Résumé de l’épisode précédent :
Nous avions laissé la semaine passée nos protagonistes en plein débat sur la sécurité et accessoirement un blondinet abattu. Mais est-ce si accessoire ? Un pauvre garçon qui s’enfonce dans la dépression pour une histoire d’amour platonique, c’est peut-être courant, mais pas anodin. En tous les cas, pour lui. Retrouvons le plus âgé, la plus jeune, la brunette à bouclettes, le blondinet, la rondelette en voiture. Histoire de permettre aux ronchons de les critiquer : « Vous voyez ces donneurs de leçons. Ils prennent quand même la voiture ». Pfff…, si c’est là le seul argument à apporter pour discréditer une idée. C’est d’ailleurs un débat intéressant. Mieux vaut-il une bonne idée apportée par la mauvaise personne qu’une mauvaise idée par la bonne personne. Choisissez-vous-même le sens à donner à « mauvaise » et « bonne ». Je ramasse les copies à la fin de cette chronique. La petite voiture ronronne, lâchant à chaque kilomètres, ses quelques dizaines de gramme de CO2 de trop. La brunette, guère gênée par ses bouclettes, respecte scrupuleusement la limite de vitesse en traversant le village. Alors, quand un motard bruyant la dépasse, elle se laisse aller à sa mauvaise humeur. - Tu n’as pas peur de leurs réactions quand tu fais ça, l’interroge le plus vieux. - Aucunement, répond-t-elle. Quand une gonzesse s’approche d’un mec avec une manivelle, un type un peu malin s’écrase. Et s’il est un peu con, c’est moi qui l’écrase. - Je te crois, rigole le plus vieux. Mais pourquoi tant de violence ? Le blondinet semble heureux sur la banquette arrière. Cela contraste avec les dernières sorties. - C’est pour le motard qui vient de passer ? demande la rondelette. - Pas trop. Ces types me laissent de glace. Je ne suis pas trop dans le trip « Biker ». On vient de passer devant mon ancienne maison et je viens de voir le voisin avec son souffleur intempestif. - Tout l’été, à dix-sept heures trente, il lançait son souffleur. On n’a jamais su ce qu’il soufflait. Ou alors une feuille ou deux. Ensuite, deux fois par semaine, à dix-huit heures tapantes, ou presque, il commençait à tondre. On sentait qu’il en avait besoin. D’ailleurs, nous avons toujours eu l’impression qu’il se prenait pour un conducteur de rallye. Vroum, vroum, sans imagination. Mais la tondeuse, c’était sans doute pour faire plaisir à son paternel. Maniaque, il ne tolère, ni une feuille, ni un brin de travers dans sa pelouse, ni d’ailleurs rien qui ne gâche sa vue « parfaite ». - Sans doute le paradoxe du paysage[1] et l’arrogance du jardinier, estime le rondelette. Vois-tu, quand ils se sont bien installés, et c’est particulièrement vrai pour les maisons de quarante ou cinquante ans, ou moins, les propriétaires des lieux ne supportent pas que quelqu’un d’autre vienne troubler leur paysage. Un simple prétexte souvent, parce que le paysage ils s’en foutent, mais de cette manière, ils estiment pouvoir conserver leur paix. - Et l’arrogance du jardinier ? intervient le blondinet. - Et bien, pour moi, la pelouse, et particulièrement sa caricature anglaise, le green de golf est un autre bel exemple, ces pelouses donc expriment toute l’artificialité, la stérilité, la puissance vaine. Produits nocifs, machines polluantes, transports inutiles, pour que la nature soit aux ordres. Si encore, c’était pour les jeux des enfants, mais ce sont souvent des territoires dont ils sont exclus. De toute façon, ils ne sortent plus. Rien n’y vit et personne n’en vit. Tout au plus cela pourrait satisfaire les yeux de quelques-uns, mais à quel prix ? - Pour parler d’autre chose, J’ai lu qu’un expert autrichien critiquait les systèmes électriques de dépannage du futur EPR de Flamanville en France, reprend la brunette. Le ministre de l’industrie a répondu à cela que d’autres experts disent le contraire[2]. Le blondinet a clamé comme les autres. Bon, sur les experts, nous y reviendrons certainement une autre fois. Et pendant cette conversation, il doit y avoir des tonnes de personnes qui font la file au parc de conteneurs pour déverser leur herbe fraichement coupée. Propos recueillis à droite et à gauche par Denis Marion, entrepreneur sans but lucratif.