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Quand un chemin se ferme, c’est de la vie et de la mémoire qui s’en vont

• Mercredi 29/09/2010 • Version imprimable

Nous voudrions rappeler qu’un réseau de chemins et sentiers est bien plus qu’un simple ensemble de connexions permettant de relier différents points entre eux.

A lui seul, il constitue un patrimoine naturel à part entière. Qu’il traverse la forêt et y favorise la pénétration de la lumière, permettant le développement d’espèces particulières, qu’il longe les champs et les prés, avec son cortège de plantes herbacées ou qu’il serpente à travers les campagnes et les villages, qu’il soit bordé de haies ou non, un réseau de chemins et sentiers protégé et bien entretenu augmente la biodiversité et enrichit le paysage.

Établi au fil du temps, en fonction des besoins des usagers, il constitue également un héritage historique. Par son existence, il permet de découvrir des points de vue sur des patrimoines tant naturels que bâtis, favorisant en cela l’essor des activités touristiques ainsi que les loisirs de proximité. N’oublions pas que dans les communes rurales comme la nôtre, les possibilités de randonnées ou de promenades forment l’essentiel de l’attrait pour les visites. Par ailleurs, un tel réseau s’intègre parfaitement dans une politique de mobilité autorisant le cheminement doux loin de la pression automobile.

Il est donc souhaitable que soit préservé, protégé, restauré cet espace de vie, fragile, unique tant pour le bien de la nature que des citoyens. Permettre aux citoyens d’utiliser ces voies lentes pédestres est certainement aussi le meilleur moyen de les sensibiliser au respect de la nature !

Extrait d’un texte collectif sur la défense des chemins auquel j’avais participé.

Nous avons cru, avec l’arrivée des automobiles, que les chemins et sentiers étaient de l’histoire ancienne, que cela avait son importance lors de nos villégiatures lointaines, mais que près de chez nous, cela n’avait plus de sens. Et tous les prétextes étaient bons pour en critiquer l’existence. « Vous voyez bien qu’on n’y passe pas, me disait un maïeur. Ce n’est qu’orties ». De l’œuf ou de la poule.  Certains ont user de trucs pour en limiter l’usage : barrières, panneaux, tirs à balle, avertissements, gardes sournois et pervers. Je me souviens d’un propriétaire qui avait mis à juste titre un panneau « chemin privé », oubliant de mentionner que le sentier, compris dans l’assiette du chemin, était lui public. Il a obtenu la suppression du sentier prétextant que l’on n’y passait plus. Si les autorités communales de l'endroit m’avaient interrogé, je leur aurais dit que je passais par là. Mais peut-être qu’elles n’avaient aucune envie de défendre leur patrimoine.

Bien entendu que la tentation est grande de s’approprier l’assiette d’un sentier ou d’un chemin qui traverse sa propriété. Les arguments ne manqueraient pas. Chacun veut défendre sa quiétude ou protéger son intimité. Alors la bouche en cœur, on évoquera le passage de « quads » ou les déprédations des promeneurs. Vous comprenez, ma bonne dame, avec tout ce que l’on entend. Attention, il n’y en a pas que pour les chemins et sentiers. J’ai entendu les potentiels riverains d’une piste cyclable, pourtant nécessaire pour la survie des cyclistes, leurs propres enfants peut-être, s’y opposer pour des questions de sécurité.

Si je peux comprendre les difficultés rencontrées par les propriétaires, liées par exemple au passage d’engins bruyants ou de groupes indisciplinés, ces difficultés ne sont guère différentes de celles que rencontrent, souvent de manière encore plus aiguë, les riverains de rues, avenues, routes. Ce n’est donc pas tant le chemin qu’il faudrait supprimer que l’irrespect de certains usagers. Et cela est une question de société et vivre ensemble avant d’être une question de tribunal.

Les cyclistes, les familles, les mouvements de jeunesse, sont des usagers réguliers de ces voies lentes. Elles représentent un attrait touristique. Et puis, surtout, avec l’évolution nécessaire de nos modes de déplacement,  elles sont et seront encore plus à l’avenir vitales pour nos trajets quotidiens. Nous en userons encore pour notre plaisir, mais nous en userons encore plus par nécessité. Ce patrimoine commun, cet héritage doit donc être pragmatiquement, mais fermement défendu. C’est aussi le travail des citoyens, mais c’est avant tout celui de nos élus.

Denis Marion

Entrepreneur sans but lucratif.