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Retenez-moi ! (seconde partie).

• Dimanche 16/11/2008 • Version imprimable

Barack Obama est élu et c’est un grand changement. Depuis des jours, voilà ce qu’on lit dans la presse, ce qu’on voit sur les écrans, voilà ce que disent les gens. Il s’agit effectivement d’un changement de taille… en termes d’image en tous les cas. Soyons honnêtes et si Barack l’est aussi et suit son programme, nous irons assurément vers une politique plus consensuelle où le président américain prendra avis auprès de ses « alliés »… avant de n’en faire sans doute qu’à sa tête. Il tentera sans aucun doute des réformes mais qui seront freinées par le manque de budget, par le lobbying ou l’inertie des consommateurs.
 
Pour quels changements ?

Et puis quels seront réellement les buts  de ces réformes ? Prenons un sujet qui subit ces derniers temps de grands changements, le climat.

Barack va-t-il faire mieux que Georges ? Daniel Tanuro, sur le site « Europe Solidaire sans frontière » a abordé cela dans Un vrai tournant, de nouveaux dangers : le plan énergie climat de Barack Obama

Son analyse, foncièrement (voire idéologiquement) critique, ne manque pourtant pas d’intérêt. Parce qu’en ces temps d’urgence climatique en particulier et environnementale en général, les solutions défendues par le nouvel élu ne sont peut-être pas aussi bonnes que nous pourrions croire.

Objectif : restaurer le leadership des USA,  Réduction d’émission : la montagne des 80% accouche d’une souris, Les tours de passe du cap-and-trade, Dingell-Boucher : pas de réduction « domestique » avant 2029 ! Vive le charbon... « propre » ? Vive les agro carburants... écologiques ? Qui va payer ?

Ces sept thèmes développés par Daniel Tanuro ont le mérite de nous faire réfléchir sur la politique environnementale  du futur président[1].

Selon le GIEC, il est hors de question que les pays riches attendent 2030 ou 2040 pour commencer à diminuer leurs émissions : ils doivent s’y mettre tout de suite et atteindre un premier palier de 25 à 40% de réduction en 2020, par rapport à 1990. Or, le programme énergie-climat d’Obama est loin de satisfaire à cette condition : d’ici 2020, il a seulement pour but de ramener les émissions étatsuniennes à leur niveau de 1990. Pour prendre la mesure de l’affaire, on rappellera que les Etats-Unis, s’ils avaient ratifié le Protocole Peanuts de Kyoto, auraient dû ramener leurs émissions 5% sous le niveau de 1990...entre 2008 et 2012. Obama, ici ne prend guère de risques : quand bien même il occuperait la Maison-Blanche durant deux mandats, le gros du boulot serait pour ses successeurs, après 2020. Demain, on rase gratis...

 

Demain, on rase gratis...

Cette réflexion ne doit pas se limiter à la sphère étatsunienne. Croire à la validité du discours environnemental dans notre pays tient d’une certaine naïveté. Beaucoup de politiques (et de sociétés commerciales) teintent leurs propos de vert, mais ce vert rime plus souvent avec « j’espère » qu’avec « je vais réellement faire ». Ils découvrent que l’environnement peut procurer des emplois et affirment c’est le défi majeur (pour demain ?).  Cependant, quand il s’agit de se lancer dans une politique keynésienne, ils pensent d’abord à des autoroutes. Pour certains, c’est d’ailleurs plus une tactique électorale pour récupérer des voix qu’une réelle volonté d’avancer sur le (certes difficile) chemin du respect de l’environnement.

Peut-on croire au bilan positif de gouvernements qui prétendent être plus  céladon, plus jade à en devenir glauque quand pour certains, une taxe sur les billets d’avion est la première taxe à supprimer  et que pour d’autres, la publicité sur les transports polluants ne peut être interdite? Peut-on croire à ces discours lénifiants qui se refusent à caresser l’électeur à rebrousse-poil ? Surtout quand on a l’excuse de la perte du pouvoir d’achat.

La hausse des prix et le pouvoir d'achat sont cités comme principal sujet d'inquiétude par 35 % des répondants. On retrouve ensuite l'éclatement de la Belgique (17 %), le chômage (10 %) et l'insécurité (8 %), le manque de civisme (7 %), la pauvreté (5 %), la situation politique (5 %) et le prix de l'énergie (4 %). « Contrairement aux années antérieures, la dégradation de l'environnement (4 %) et le réchauffement climatique (2 %) sont relégués bien loin derrière les préoccupations socio-économiques et politiques », indique le Crioc à propos des résultats d’une étude récente[2]. (Source Vers l’Avenir).

 

Il est moins une et tout va bien.

Pas question de fermer des centrales nucléaires pour le bonheur des « vrais gens » (mais vraisemblablement surtout pour celui des exploitants), même si ceux qui suivent devront gérer les déchets.

Continuons à leur faire croire que les panneaux solaires, les cellules photovoltaïques, les moulins à vent, les voitures qui consomment peu (mais que personne n’achète vraiment) et rouleront aux agro carburants[3] leur permettront de continuer à vivre sans devoir toucher à leur manière d’être et de consommer. Flattons-les. Fourgons-leur des primes pour qu’ils s’équipent, parfois à mauvais escient[4].

Pas question d’imposer de réelles taxes dissuasives sur les véhicules polluants neufs (au-delà de 115g CO²/km par exemple). Pas question de limiter les vitesses sur les autoroutes. Pas question en fait de changer radicalement la manière de vivre des électeurs. Cela pèse,  trente-cinq mille couillons qui signent une pétition contre la taxe sur les billets d’avions[5].

« On continue de détourner l’attention des consommateurs en leur livrant de la pacotille » affirmait Anne Morelli en parlant dans Le Vif de la crise financière et des discours anesthésiants sur le sujet. « Tant que les distributeurs leur fournissent des billets, les gens ont l’impression que la machine tourne » affirmait dans le même article Claude Javeau. Et ce qui est vrai avec la finance l’est encore plus avec l’environnement.

 
Vive le changement.

Tout le monde a ce mot-là à la bouche : changement. Oui, mais… « Changez-moi, mais pas trop vite  (avec la voix de Juliette Greco)… pour que je puisse encore vous élire ».

Il viendra un temps pas si éloigné où il faudra avoir réellement changé et ceux qui se targuent maintenant d’avoir des résultats verront que ceux-ci ne sont guère brillants et il ne leur restera, à eux et leurs électeurs qu’à pleurer et à « incanter ».

 

Retenez-moi de cet excès de pessimisme.

 
Denis MARION.
 

PS. Ne boudons pas trop notre plaisir. Cela aurait pu être pire. Jurrasic Parc par exemple.



[1] Et d’ailleurs, sur toute politique environnementale posée par nos gouvernements.

[2] Je reviendrai certainement sur les résultats de cette étude.

[4] Selon certaines analyses, il serait plus intéressant pour le réchauffement de financer sérieusement l’isolation des maisons que de promouvoir la production d’eau chaude ou d’électricité, mais ce serait apparemment plus coûteux et moins sexy. Cependant, après un début timide, le prêt vert social commence à se faire connaître. Celui-ci permet à des ménages à revenu modeste de mieux isoler leur habitation.

[5] Et pourtant, selon l’étude du CRIOC, 85% des répondants pensent que les autorités publiques ne contrôlent pas suffisamment...Près de 8 personnes sur 10 considèrent que les produits les plus polluants devraient être plus taxés et 7 personnes sur 10 pensent même qu’ils devraient être éliminés du marché...6 personnes sur 10 attribuent la responsabilité principale des problèmes environnementaux aux industries.