Le collectif Calvin & Hobbes accueille Barkas, une vieille connaissance, pour ses chroniques.
La question est peut-être trop simple : l’électeur d’un parti d’extrême droite ou populiste extrême est-il une victime ou un gros con ? Ou les deux ? Qu’il est donc difficile de se faire une saine idée de la question. Et pourtant la réponse est importante, pour que ces dérives soient combattues. Nombreux sont ceux qui considèrent par exemple l’électeur FN comme un oublié de la république, un perdu de l’économie. Et certes, il y a des zones sinistrées qui votent pour ce parti sans se boucher les narines. Nous pouvons nous demander ce qui a engendré le FN en France et convenir par exemple avec Jacques Rancière que ce parti est le produit d’un système existant, essentiellement la cinquième république.
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Nous pouvons aussi faire le procès de François Mitterrand qui aurait « favorisé » l’extrême-droite pour contrecarrer les ambitions de la droite. Nous pouvons également considérer que la montée du FN est de la responsabilité des Allemands. Mais est-ce tout cela nous avance,
Si nous partons du principe, que ces idées sont contraires à nos valeurs éthiques, qu’elles choquent notre humanisme, qu’elles sont une menace pour nos sociétés démocratiques, il nous faut les combattre. Nous devons faire en sorte qu’un minimum de gens y adhère.
Mais plus fondamentalement, désirons-nous avoir des électeurs abrutis ou des personnes capables de réfléchir, de débattre, d’empathie ? Bref, des citoyens informés et actifs. Nous pouvons par exemple criminaliser les propos racistes et d’incitation à la haine, mais celui qui les profère les taira peut-être, mais continuera sans doute à les penser. Alors, il faut agir. Ne pas considérer que ce qui a déjà été dit ait déjà été fait et n’est plus à répéter. Il en est de la responsabilité de chacun, individus ou institutions, de permettre, de favoriser l’émergence d’une nouvelle culture dans la société.
Mais
Le personnel politique (au sens large) préfère le discours clivant ou la symbolique inutile. Quand François Hollande se lance sur la déchéance de nationalité, il brise, détruit plus qu’il ne construit. Réduire toutes les situations à une équation simple est non seulement un mensonge, mais aussi un piège. Quand Bart de Wever désigne des coupables ou propose des solutions, il ne résout en fait rien. Ce n’est d’ailleurs pas la divergence d’opinions qui est un problème, mais la manière de l’amener.
Le monde des médias n’est pas innocent dans sa manière d’aborder les sujets ou dans le choix de ses interlocuteurs. Le poids de mots et le choc des photos induisent une responsabilité dont de nombreux organes de presse s’exonèrent. Mettre côte à côte certains sujets sur la même page par exemple n’est pas innocent et tient de la ligne éditoriale. D’autant plus préoccupant que les réseaux sociaux (ou les forums des journaux) amplifient le phénomène des informations tronquées, voire fausses. Ainsi la générosité posthume de David Bowie en faveur de la lutte contre le cancer en est un bel exemple. « Le lendemain de la mort de David Bowie, un réseau de disquaires annonçait le versement des bénéfices des ventes d'albums de l'artiste en janvier à la recherche contre le cancer. Un beau mais petit geste, que certains médias français ont amplifié puis transformé en initiative du chanteur lui-même. ». Cela l’est encore plus avec des sujets polémiques comme les événements récents à Cologne comme l’ont relevé la bloggeuse Anne Lowenthal en matière de chiffres ou le journal Le Monde en matière de photos. L’absence de remise en perspective est également source de problème affirme Zohra Othman, Echevine du District de Borgerhout et avocate quand elle aborde la « culturisation » de l’intimidation sexuelle.
L’enseignement n’est pas en reste, et certainement l’enseignement supérieur, qui semble préférer l’employabilité à l’université, des têtes bien pleines plutôt que bien faites. Il ne nous faut pas des gens qui pensent, mais qui exécutent ce qui n’a pas été pensé. N’entendons-nous pas des politiques allant en ce sens.
Et le citoyen lui reste amorphe ou devient revanchard, résigné ou « complotiste », mais a toutes les difficultés à exercer un (certain) sens critique, et certainement pas dans une perspective constructive. Est-ce dû à sa paresse, aux conditionnements médiatico-politiques, à une culture évanescente. Mais ce n’est sans doute pas sans déplaire à certains.
Alors
Faut-il remettre tous les jours l’ouvrage sur le métier ou considérer le combat comme perdu ?
PS. L’électeur d’extrême droite peut être un gros con et aussi une victime.