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Les chroniques de Barkas : le pouvoir du dogme et des valeurs (2)

• Jeudi 01/09/2016 • Version imprimable

Lire la première partie Les chroniques de Barkas : le pouvoir du dogme et des valeurs (1)

Le collectif accueille , une vieille connaissance, pour ses  chroniques.

Chronique écrite en collaboration avec des membres du collectif. Merci à eux pour les propositions de liens. Signé :

« La mort publique est une mort particulière »

Robert Mc Liam Wilson[i] à propos de Belfast.

Il est des questions par trop provocantes et la valeur d’une victime ou le dégoût que peut provoquer un crime sont de celles-là.

Trouvée sur les réseaux sociaux, cette demande :

« Classez dans l'ordre croissant du nombre de morts, de blessés ou de malades  les personnes suivantes.... »

·         le terroriste (présumé) Salah Abdelslam

·         les patrons d'Eternit Italie ( Casale Monferrato, Cavagnolo, Bagnoli et Rubiera)

·         le patron du laboratoire Servier, Jacques Servier

·         le ministre Edmond Hervé,...

Si vous ne connaissez pas ces gens, Wikipedia peut vous aider...  C'est un exercice qui permet de comprendre beaucoup de choses...

Cette demande peut sembler incongrue, mais elle est en fait fondamentale pour mieux comprendre notre approche des problèmes actuels. Sans méconnaître le caractère barbare des attentats perpétrés, ni leurs liens avec des mouvances religieuses extrêmes, nous pouvons nous demander légitimement pourquoi pour le premier de la liste, d’aucuns réclament la peine de mort, alors que cela ne viendrait à l’idée de personne (ou presque) de la réclamer pour les suivants, alors qu’ils sont responsables de bien des drames, par leur mutisme au mieux, par leurs actions au pire. Le résultat est que des gens sont morts à cause d’eux… et qu’ils savaient que des gens allaient mourir.

On peut arguer du fait, pour le premier de la liste, qu’il désirait massacrer du monde et que pour les autres, le massacre n’était qu’une conséquence de leur avidité. On peut considérer aussi que le premier est sans doute un jeune voyou, attiré par la violence, stupide, embrigadé dans des mouvements sectaires, alors que les autres sont des hommes (r)assis, intelligents, réprouvant certainement toute violence qui pourrait porter ombrage à leurs affaires ou leur carrière.

Cela renvoie d’abord à la valeur que l’on donne à un mort comme l’évoque Robin Cornet dans une chronique… La loi du mort-km[ii].

Par ailleurs, l’impact d’un acte terroriste ne saurait être nié par sa symbolique et son influence sur les valeurs de la société, quand bien même on ne « compterait » qu’une victime pour treize d’homicide « classique ».

Les répercussions de ces actes terroristes dévastateurs en Europe (et aux États-Unis) sont telles que certains principes ont été remis en cause, à l’image de la libre circulation ou du caractère confidentiel des communications. Le terrorisme alourdit également les dépenses publiques et rend plus difficiles les voyages, la cohabitation entre différentes communautés ainsi que l’intégration au sein des pays et entre eux.

Sous d’autres latitudes, les groupes terroristes parviennent à menacer la stabilité de certains pays et influent sur les rapports de force géopolitiques. En Espagne, par exemple, l’ETA a «seulement» fait quelque mille morts en cinq décennies, mais le pays continue de payer aujourd’hui les conséquences politiques et sociales de ces actes terroristes.

Contre la menace terroriste, il n’y a pas de recette miracle. Ce phénomène présente un certain nombre d’aspects et ne saurait être combattu par un moyen unique. Mais au milieu de cette complexité, une statistique retient l’attention: en 2014, le taux moyen d’homicides dans le monde entier était de 6,24 morts pour 100.000 habitants, tandis que le nombre de personnes tuées par le terrorisme n’était que de 0,47 pour 100.000. Autrement dit, cette année-là, pour chaque victime d’un acte terroriste, on a dénombré 13 homicides.

Ainsi, les chiffres du terrorisme sont relativement peu élevés par rapport à d’autres causes de décès. Mais ses conséquences sont sans commune mesure. Le terrorisme n’est donc pas la menace la plus meurtrière du XXIe siècle, mais elle a indéniablement pour effet de changer le monde.[iii]

Et dans le même temps, les états diminuent leurs investissements en matière de contrôle sanitaires par exemple (ou pire se laissent mener par les lobbies). L’affaire Depakine en est un bel exemple récent[iv]. Avec à la clé, des morts comme avec le Mediator ou des handicapés avec la Depakine.

Alors pourquoi donc ces différences de considération pour les de crimes évoqués plus haut et la valeur de leurs victimes.

Une des causes est notre capacité à comprendre des situations et à éprouver de l’empathie ou du rejet. Il s’agit de parties clairement identifiables, avec des enjeux symboliques, voire des fantasmes C’est le « eux différents » contre le « nous si semblables ». Et si ce n’est pas si faux, ce n’est totalement vrai.  Il est vrai que si je peux m’identifier facilement à l’innocence de l’usager du métro, j’ai plus de mal à me mettre dans la peau de la victime d’une asbestose ou d’un hémophile, tout aussi innocent. Par ailleurs, pour certains, le dérapage n’est pas loin, la chute vers le même inhumanisme dans des actes ou des volontés de représailles plus ou moins fortes. On pourrait penser également aux images et aux discours : la guerre avec ses batailles, ses représentations guerrières, sa violence… que l’on a plus de difficulté à attribuer au monde soi-disant feutré de l’économie. Economie qui ne saurait être le paravent d’ignominies. Une autre cause tient du marketing politique pour qui les enjeux de sécurité sont finalement plus faciles à faire comprendre que des normes sanitaires ou des principes de précaution. Pour certains partis, c’est idéologiquement plus porteur… et moins agressif pour le monde des affaires.

Robert Wilson a raison de dire que la mort publique est une mort particulière, mais cette particularité ne devrait pas altérer notre jugement. Parce que finalement, entre un jeune con déboussolé, très violent certes, mais aussi certainement manipulé et un ministre de la République, lequel des deux est le plus cynique, fondamentalement mauvais, lâche même. C’est une question, comme l’inégalité de la valeur des victimes, qui mérite un minimum d’intérêt.

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