Trois petits tours et puis s’en vont, ainsi font, font les petits avions... pour, rien du tout.
Croyez-vous possible que les avions puissent voler à vide ? Pas à titre exceptionnel. Non ! Sur une ligne régulière... Délibérément.
« Une compagnie aérienne britannique a assuré pendant plusieurs mois un vol quotidien Londres-Cardiff en A320, sans passagers ni fret, dans le seul but de conserver ses créneaux de décollage et d’atterrissage à Heathrow ! » (1)
« Un vol par jour, en forme toujours » ont dû se dire les dirigeants de cette compagnie. Une sorte d’entraînement pour être prêt au cas où, ou plutôt, une défense des droits acquis... pour que le voisin ne les pique pas.
Dans leur logique des affaires, je n’ai pas dit économique, il est normal que l’entreprise protège ses privilèges et ses avantages concurrentiels... Dans ce cas-ci, les seuls coûts qui pourraient lui être imputés sont ses coûts de fonctionnement et les quelques redevances d’atterrissage. Est-ce bien normal ?
Le transport aérien ne prend pas à son compte les dépenses liées à la dégradation de l’environnement au sens large. Il n’est d’ailleurs pas encore intégré dans les calculs d’émissions de Co... (Et avant que les Etats-Unis ne l’acceptent, il fera chaud).
De plus, l’absence de TVA sur les carburants et les tickets engendre, outre une concurrence déloyale pour des transports moins polluants, un manque à gagner pour les états. Comme le signalait un de mes correspondants, citant un texte britannique : « Les compagnies aériennes reçoivent plus de 13 milliards d’Euros en remises d’impôts chaque année à cause du carburant non taxé et de l’exemption de TVA sur les tickets et les carburants. Cela est suffisant pour construire 30 hôpitaux, 2000 écoles, et plein d’autres choses... Entre temps, les tarifs aériens ont baissé de 42 % en 10 ans alors que les tarifs de bus ont augmenté d’autant ! Cela frappe les plus pauvres et sert les riches ! ». (2)
En contrepartie, peut-être que le transport aérien procure de l’emploi ? Eh bien, il appert qu’il n’est pas le grand pourvoyeur qu’il prétend... Ce n’est pas un secteur à forte intensité de main d’oeuvre. C’est en tous les cas ce qu’affirment certaines études récentes d’un organisme néerlandais.
J’ai donc de moins en moins l’impression que l’industrie du transport aérien est une industrie très citoyenne... Les sauts de puce revendiqués par certains (3) et les voyages à vide (avides ?) effectués par d’autres ne sont certainement qu’exemplatifs de la manière de fonctionner de ce secteur. Notons la volonté de Ryanair de proposer à 10 € un voyage vers le Nouveau Monde. (4)
On ira tous, tous, à Los Alamos... voir Manhattan (5)
Déjà que cela coûtait moins cher d’aller à Venise que d’aller manger une glace chez Verdonck à La Panne. Bientôt, on pourra aller sur la côte Est pour bien moins cher qu’un billet Bruxelles-Ostende. Combien de fois ne me sort-on pas que les voyages forment la jeunesse... A ce prix-là, la jeunesse (et les autres) ira encore plus se former pour une croûte de pain, mais ce sera une formation coûteuse du point de vue de l’environnement.
Bon Dieu de Bois !
Redonnons donc à ce moyen de se déplacer (ou de transporter des marchandises) la place qu’il doit occuper et évitons de reproduire les erreurs du passé du genre « Mon avion, c’est ma liberté ».
Comment ?
Dans une récente chronique, j’évoquais une mention obligatoire sur les billets d’avion à l’instar de ce qui se fait sur les paquets de cigarettes : « Voler nuit gravement à la santé ». (6) Cela doit être dans l’air du temps. Selon l’IPPR, le très sérieux et britannique « Institut de recherche sur les politiques publiques », les messages publicitaires pour des vols ou des séjours touristiques devraient contenir un message similaire à celui inscrit sur les paquets de cigarettes pour rappeler la nocivité du transport aérien pour l’environnement. De tels messages feraient réfléchir le public sur l’impact de ses loisirs sur l’environnement. (Cela pourrait être valable pour d’autres activités...) (7) Poursuivant le même but, un collectif belge souhaite l’interdiction de la publicité pour les voyages en avion et pour les voitures. (8) Un autre groupe, « Avion rouge » propose, lui, l’étiquetage des marchandises qui voyagent dans les airs. (9)
Sont-ils donc tous des illuminés pour attaquer le mythe du bel oiseau blanc, attaquer le besoin d’exotisme des gens qui aiment voyager loin, mais qui ne connaissent pas leurs voisins, attaquer l’envie d’avoir hier ce que l’on commandera demain ? Sont-ils stupides de trouver choquant un aller-retour sur une journée pour aller magasiner à Barcelone, des crevettes qui font le tour de la Terre, du linge anversois qui part se faire laver en Pologne, des avions à vide, des vols de nuit pleins d’essieux de camion, j’en passe et des meilleures... ?
Il faut appliquer à l’avion le coût-vérité et à tout le moins, les mêmes exigences que pour les autres moyens de transport, les mêmes taxes...
Revenir à un équilibre avant qu’il soit trop tard, avant que l’avion ne devienne, comme la voiture, indispensable dans notre inconscient de consommateur. Ce sera, comme avec le tabac, faire oeuvre de salubrité publique.
- http://tropdebruit.be/news/propos-vert
- http://tropdebruit.be/news/commentaires-d-un-riverain-l-industrie-du-transport-aerien-transfere-l-agent-des-services-publics
- http://tropdebruit.be/news/les-sauts-de-puces-aeriens-revendiques
- http://tropdebruit.be/news/ryanair-defie-les-grandes-compagnies-sur-les-vols-long-courriers
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Los_Alamos et http://www.sttellla.be/Oeuvres/Pochette/Detail.php?Album=Torremolinos
- http://humeur.tropdebruit.be/news/voler-nuit-gravement-a-la-sante
- http://tropdebruit.be/news/bientot-un-message-prendre-l-avion-nuit-a-l-environnement
- http://tropdebruit.be/news/stop-a-la-pub-pour-les-voitures-et-les-voyages-en-avion
- http://tropdebruit.be/news/petition-pour-un-etiquetage-clair-du-mode-de-transport-des-marchandises-intercontinentales