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Le rapt d'Europe

• Jeudi 30/03/2017 • Version imprimable

Le collectif accueille , une vieille connaissance, pour ses chroniques.

Cependant Europe moins timide, porte sur sa poitrine une main douce et caressante. Elle pare ses cornes de guirlandes de fleurs. Ignorant que c'est un dieu, que c'est un amant qu'elle flatte, elle ose enfin se placer sur son dos.  Alors le dieu s'éloignant doucement de la terre, et se rapprochant des bords de la mer, bat d'un pied lent et trompeur la première onde du rivage; et bientôt, fendant les flots azurés, il emporte sa proie sur le vaste océan. Europe tremblante regarde le rivage qui fuit; elle attache une main aux cornes du taureau; elle appuie l'autre sur son dos; et sa robe légère flotte abandonnée à l'haleine des vents.

Métamorphoses d'Ovide (Europe (II, 833-875))

Revenir une bonne quarantaine d’années en arrière, et se rappeler, si je ne me trompe, un petit ouvrage orange dont le prof extrayait ses versions latines. Dans mon souvenir, je n’étais pas trop mauvais en version, moins bon en thème… Nous nous échangions les trucs et astuces, par téléphone, avec un condisciple dont j’ai oublié le nom, mais pas le fait qu’il devait aider son père agriculteur dans une ferme qui a maintenant disparu.

Un peu par hasard ai-je retrouvé ces vers d’Ovide, en cherchant à me remémorer le mythe d’Europe. Il est diablement certain que, dans ma vie quotidienne, la légende de la maîtresse de Jupiter n’est pas l’histoire que je conte et qui compte le plus. Et pourtant, cette frêle jeune fille abusée par un vieillard libidineux est notre histoire d’Européens. Cette Europe que nous vouons aux gémonies, cette catin, cette bagasse, cette chabraque, cette entôleuse, qui nous fait grimper à son cul les escaliers du déplaisir. Les maquereaux de la finance en profitent bien. Les ligues de tempérance des politiciens en font le bouc émissaire de leur lâcheté.

Et pourtant, l’Europe n’est pas si mauvaise fille. Elle n’a pas toute la dépravation que nous lui prêtons et les syphilis que nous traînons ne viennent pas toutes de son con. Elle a de belles choses à son actif. Et si certains orgasmes sont feints, elle peut se donner sans fard et en toute sincérité.

Elle fait le trottoir, mais c’est nous qui élisons ses souteneurs.

Oui, nous pouvons nous plaindre des plans d’austérité qu’elle nous impose, des lobbies industriels qui la subjuguent, des mensonges qu’elle nous sert. Mais il y a aussi de bons moments, comme la jeunesse qui voyage et les oiseaux qui survivent, comme les frontières qui se sont ouvertes et pas seulement pour l’oseille.

Elle est sans doute une pute mais aussi une sainte. Et c’est à nous, et pardonnez-moi cette expression de dame patronnesse, de la ramener dans le droit chemin plutôt que de la flétrir. Elle n’est pas le problème… c’est notre bêtise qui l’est.

L’Europe peut être celle du genre humain et de la nature, plutôt que celle du flouze, du pognon. Elle est maintenant un peu des deux. Alors, votez pour qui vous voulez, mais pas pour ceux qui vous disent que l’Europe est la source de tous nos problèmes. Bruxelles est coupable parce que nous sommes incapables de la réformer, parce nous sommes pleutres, parce que nos élus le sont aussi.

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PS. Dans la vidéo ci-dessous, même si le député en question est membre du PP et que je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il raconte, il y a aussi du vrai dans son discours.