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L’appel de phares peut mener au cauchemar.

• Jeudi 28/08/2008 • Version imprimable

A nouveau, une chronique sur les automobiles, avec même une description un peu longuette d’un cas d’école. J’espère que vous me pardonnerez. La prochaine traitera d’un autre sujet, enfin j’espère, parce que la bêtise de la route semble sans limite.

Bon, il est des chroniques que je ne parviens pas à terminer. Peut-être parce qu’elles sont remplies de bons sentiments. Vous devrez patienter, et peut-être est-ce heureux, pour connaître le dernier épisode de mon voyage à Nice.

Alors, je vais continuer dans le sujet du mois, du trimestre, de l’année: la voiture et son usage. Un lecteur m’a laissé un commentaire sur Roulez plus vite que tout le monde en profite.

« Attaquer systématiquement l'ensemble des conducteurs n'est pas la solution et d'ailleurs les chiffres, partout en Europe le montrent: quelle que soit l'action entreprise, les chiffres ne descendent pas. La seule solution, c'est d'identifier les conducteurs mortifères et de les retirer de la circulation. Le permis à points est une des façons d'adresser le problème, mais une politique systématique de confiscation de véhicule impliqué dans un accident provoqué par une faute de conduite serait assez efficace. »

Si je ne suis pas tout-à-fait d’accord avec ses arguments, il existe effectivement des conducteurs plus dangereux que d’autres. Mais comment les reconnaître ?

Ce samedi, je roulais en Ardenne sur une route de campagne, pas vraiment assez étroite pour empêcher le croisement de véhicules, mais suffisamment pour montrer une certaine prudence, vu l’état du revêtement de la chaussée, sur les côtés. Je roulais paisiblement à 70 ou 80 Km/h. Ce 70 que l’on voudrait imposer sur toutes les routes en Flandres (hors agglomération) et qui sera peut-être la cause de la scission du code de la route. Je roulais donc paisiblement. Il y avait bien derrière moi un véhicule qui me suivait depuis quelques kilomètres (je regarde régulièrement dans mon rétroviseur) mais il semblait s’accommoder de cette allure (raisonnable sur ce genre de routes) puisqu’il conservait une distance de sécurité et ne semblait pas vouloir dépasser. Tiens, un confrère, un adepte de la conduite cool, me suis-je dit. Surtout, qu’il y avait eu plusieurs lignes droites au cas où il aurait désiré exprimer sa puissance.

Ne voilà-t-il pas que son véhicule me frôle sur ma gauche et se rabat devant moi en « queue de poisson ». A ce point surpris et choqué, je me laisse aller à quelques appels de phares désapprobateurs. Mal m’en prit ! Le conducteur cool se révèle un adepte du freinage intempestif et dangereux, empêchant délibérément tout dépassement. Puis, il s’arrête au milieu de la route… Il n’y a pas eu cet après-midi-là de mort et de blessé. Ce n’était pas un vétérinaire français irascible et armé.

Il n’empêche. Qu’est-ce qui conduit un monsieur propre sur lui à se comporter dangereusement ?

Sa manœuvre de dépassement tout d’abord, après autant de kilomètres, entamée alors qu’il jugeait que je ne serrais pas assez à droite. Estimait-il avoir assez traîné derrière moi ? Un petit coup de klaxon aurait mieux valu qu’un dépassement dangereux.

Sa réaction agressive, ensuite. En freinant de cette manière et en s’arrêtant au milieu de la route, il mettait délibérément des vies en danger. Il est heureux que j’aime à garder mes distances et que je ne sois pas enclin à répondre à ce genre de provocation et à vouloir forcer le passage. Estimait-il que mes appels de phare comme une critique ou une provocation nécessitant réparation ? Alors que ce sont de simples réactions (dont il faudrait peut-être s’abstenir ?) à une situation dangereuse.

Peut-être se croyait-il totalement dans son bon droit ? Peut-être voulait-il défendre son point de vue ? L’entrée en matière était indéniablement fort peu courtoise. Se serait-il arrêté en bord de route en me demandant par un geste de faire de même, le débat aurait été engagé autrement. Peut-être que ce monsieur est un brave homme peu coutumier de ce genre de comportement, que c’était le truc de trop ? Cela me fait penser à « Falling Down » dans lequel Michael Douglas pète les plombs. Ou était-ce sa manière à reporter/expier sa faute ?

Comment les reconnaître ces conducteurs irascibles? Vous vous souvenez, dans une précédente chronique, j’évoquais une bobonne qui commençait à chicaner et entonnait « Plus près de toi, mon Dieu ». Chaque fois que je la croise, je m’étonne encore de sa manière de conduire. C’est apparemment une constante chez elle. Elle a même failli me renverser alors que je roulais à vélo. Non, mauvaise langue, elle ne pouvait pas me reconnaître. C’est indubitablement une conductrice dangereuse. Mais mon monsieur de samedi, je n’en sais rien. Je subodore que c’est son habitude, mais je ne suis pas objectif.

Néanmoins, quelque part, je le remercie. Il conforte mon idée sur nos comportements sociaux (et je ne m’exclus pas) exprimant notre frustration et notre agressivité. Je suis convaincu que la bulle qu’est la voiture renforce ces comportements négatifs. Il démontre nos difficultés à communiquer sans passer par une phase conflictuelle, en ce cas, les freinages dangereux. Je ne pense pas que cela m’arrive plus souvent qu’à d’autres. En discutant avec plusieurs de mes amis, j’ai constaté qu’ils connaissaient les mêmes problèmes. Ainsi dernièrement, une jeune femme me racontait qu’elle avait fait une remarque à un automobiliste qui empiétait sur un trottoir : « Vous ne laissez pas de place aux piétons. Une mère avec une poussette ne pourrait pas passer. » La réponse a cinglé: « Vous n’avez de poussette. De quoi, vous plaignez vous ? ». C’était aussi un monsieur bien mis.

Faudra-t-il que les uns ou les autres provoquent des accidents pour que l’on puisse les qualifier de dangereux ? Surtout que dans le dernier exemple, la faute pourrait paraître vénielle et tout pourrait être reporté sur la mère à poussette imprudente au point d’emprunter une nationale.

Je remercie donc ce monsieur qui m’a encore bien fait réfléchir et surtout donner une excuse pour ne pas terminer ma dernière chronique sur mon voyage à Nice. J’espère qu’il a pu effacer de la paume de sa main, mon numéro de plaque écrit au bic rouge, parce que cela ne fait pas très net.

Et je lui présente mes excuses. Je ne sais pas pourquoi, mais lui doit sans doute le savoir.

 
 
Denis MARION
  • Je rappelle quand même que la diminution des vitesses a eu des impacts significatifs sur la baisse de la gravité des accidents et a également une influence positive sur la baisse du taux de pollution aérienne et sonore.
  • Un « ami » me disait : « si tu te plains des voitures, va à pieds ». Je suis aussi marcheur et cycliste quotidien et mes remarques resteraient les mêmes si je ne me déplaçais que de ces deux manières, avec un sentiment de fragilité supplémentaire.
  • Un autre m’avait dit un jour qu’un appel de phares est de la provocation et qu’il faut donc s’attendre à des réactions négatives. En d’autres termes, ne pas montrer sa capacité d’indignation, si l’on ne veut pas s’exposer à des « poursuites ».

Commentaires

par l'épine dans le pied le Vendredi 29/08/2008 à 14:51

Mon bon Denis, 


Non seulement tu agaces une fois de plus tout le monde en n'avançant qu'à la vitesse d'un famélique escargot namurois mais tu t'étonnes quand cette pauvre personne te dépasse "en te frôlant", ce qui semble normal vu l'étroitesse de la route ("pas vraiment assez étroite pour empêcher le croisement de véhicules, mais suffisamment pour montrer une certaine prudence, vu l’état du revêtement de la chaussée, sur les côtés"). 
Et enfin quand ce gentil automobiliste peut enfin reprendre une vitesse normale après 15 minutes d'attente, ne voilà-t-il pas que tu lui adresses l'une des deux seules injures possibles depuis l'intérieur d'une voitre : un appel de phare (la seconde injure étant le coup de klaxon de longue durée).

Serait-ce pour alimenter ta quotidienne chronique à la verve ironico-moralisatrice que tu provoques ainsi le courroux d'aimables citoyens respectueux ?

Prend donc exemple sur moi.
Lorsque j'aborde ce genre de petites routes bucholiques, j'exploite généreusement les 185 chevaux de mon véhicule à la recherche du mur du son. Ainsi je ne gêne pas, par ma lenteur, les honnêtes gens pressés, les véhicules lents qui apparaissent devant moi deviennent bien vite un souvenir au fond de mon rétroviseur et le son des oiseaux qui piaillent joyeusement dans les bois n'est perturbé qu'un micro-millième de seconde par mon passage. Tu vois, la vitesse, il n'y a que ça de vrai pour la paix dans le monde ;-)


Re: par Thierry le Jeudi 25/09/2008 à 09:57

Bonjour mon bon Denis :-)



Je suis entièrement d'accord avec ton argumentaire, et surtout avec ta façon de rouler : je fais pareil, je respecte scrupuleusement les limitations de vitesse, quitte à me prendre des appels de phare/coups de claxon, et que l'on me colle derrière ne m'impressionne guère.

J'espère que la personne du commentaire précédent est ironique, ça a l'air en tout cas :-)))

Ce qu'il faudrait, c'est comme en Angleterre (n'est-il pas), ou en Suisse (ou bien !), des radars tous les 2 kms : ça marche !


En tout cas je suis content de voir qu'il existe encore des automobilistes raisonnables et sympas en Europe, ça fait plaisir :-)


Bonne route et bonne continuation,
Thierry.