Les gens ont peur pour tout. Pour leur pouvoir d’achat, pour leur pension, pour leur avenir, ils ont peur. On leur fait peur. Le peur est d’ailleurs un mode de gouvernement[1] . Pas spécialement la peur générée par une dictature franche, mais celle plus subtile des démocraties.
Faisons peur sur les pensions comme nous l’évoquions dans une précédente chronique[2]. Y a trop de vieux, c’est donc que l’équilibre est en péril.
Faisons peur sur l’insécurité, réelle, ressentie ou fantasmée. Cela fait toujours un carton dans toutes les couches de la population. Trouvons un bouc émissaire pour expier le péché.
Faisons peur sur l’avenir pécuniaire. Il fera accepter des économies…pour certains.
Conditionnons nos populations à cet incertain financier pour leur faire accepter n’importe quoi. Jouons sur leur individualisme pour leur faire refuser des revendications ou des prises de position collectives. Utilisons toutes les ficelles pour que le Système ne soit pas remis en cause.
Le peur est un outil de gouvernement, mais pas toutes les peurs, seules les peurs qui servent le dogme. D’autres, qui ne sont pas tout-à-fait dans la ligne, ne seront pas prises en compte. Prenons le cas des prothèses PIP ou mieux du Mediator, exemples récents, où les craintes ont été jugées surfaites, où les institutions ont été complices, par négligence ou par intérêt. Prenons des exemples plus polémiques comme les gaz de schiste, les pétroles bitumineux, les nanoparticules que l’on préfèrerait éluder.
Prenons le risque nucléaire où on s’acharne à nous dire que tout va bien. Tout va bien à Tihange, mais il faut quand même construire une digue de protection[3]. Comprenez seulement que l’accident au Japon oblige de revoir certaines choses… L’accident au Japon et une relative pression médiatique, sinon tout cela serait passé au bleu. Parce que des retours d’expérience sur le risque d’inondation, il y a en déjà eu. (Par contre, le risque d’expérience de Fukushima risque d’en prendre un coup. Les minutes de la cellule de crise ont disparu[4].) De bonnes âmes prendront prétexte que le risque zéro pour vous faire avaler les couleuvres. Bien entendu que la vie est pleine de risques, mais c’est une bonne raison de les éviter.
Prenons le dérèglement climatique. Bien présent dans tous les esprits, une peur intéressante, quand elle sert à relancer l’économie. A combattre quand elle sert à alimenter des dérives gauchistes.
Ces peurs environnementales ont en effet en commun de mettre en avant les limites ou les dérives du Système. Elles sont plus contraignantes que les peurs « dogmatiques » comme la peur de la religion de l’autre, la peur de la pensée de l’autre, de l’autre tout simplement. Le frein à l’exploitation des gaz de schiste en France met en péril des « investissements ». La peur pour nos pensions légales favorise la conclusion de contrats d’assurance-pension. Pourtant, la peur de la pollution est fondée potentiellement sur des critères scientifiquement, la seconde, sur des positions dogmatiques ce nous semble.
Comment appréhender ces peurs ? Par les choses les plus difficiles qui soient dans un monde où nombre de citoyens se complaisent dans un individualisme certain et une certaine paresse intellectuelle, l’information, le dialogue, le débat. Ce n’est pas gagné.
[1] Ainsi l’évoquait Michaël Moore dans Bowling for Colombine.