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Charlie : nous avons perdu quelque chose, mais…

• Vendredi 09/01/2015 • Version imprimable

2014 a été une mauvaise année. 2015 est déjà pire… Ce qui est en train de se passer est gravissime. Notre démocratie est moribonde ; le terrorisme ne se développe pas sans raisons, ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu'il a raison. La complaisance face à la substitution de nos valeurs par les "valeurs" exclusivement économiques, de la liberté par la sécurité, les compromissions géopolitiques dictées par les seuls impératifs d'une économie échappant à tout contrôle, l'impuissance face à la montée des extrémismes (l'islamisme en est un, mais le Front national en est un autre, avec son cortège de séides malsains comme Dieudonné ou Zemmour)… c'est tout cela qui a tué Cabu, Wolinski et les autres.
Vincent Engel
7 janvier 2015 sur Facebook.


Au collectif , tout le monde avait envie d’écrire sur le drame de Charlie Hebdo, nos copains et aussi. Alors, nous avons jeté tous nos Je dans un shaker pour un « Nous sommes Charlie »

Il est sans doute présomptueux de dire que nous avons perdu des amis. Nous n’avions jamais effectivement côtoyé une seule des personnes assassinées hier, mais pourtant ils faisaient partie de notre vie, comme des amis que l’on perd de vue, puis que l’on retrouve pour les perdre définitivement.
Pour les plus âgés d’entre nous, nous nous souvenons de ces recueils de Pilote, à la fin des années soixante dans lesquels Cabu croquait le grand Duduche. Sans doute que nous ne comprenions pas toujours le sel de tous ces dessins, mais c’était un éveil. Certains avaient lu les premières moutures de Hara Kiri, suivi les différents avatars de Charlie.
Ho, bien entendu, il y eut des moments de délaissement. Tout ne peut pas plaire quand on fait vœu d’être « bête et méchant ». Bien entendu, il y eut des controverses et des personnages controversés comme Philippe Val. Il y eut l’affaire Siné.
Mais la liberté de ton et l’intérêt pour la société rendait sa lecture passionnante. D’accord ou pas d’accord, qu’importe. Et si l’on se réfère à la période récente, que de sujets préoccupants, tus souvent par ailleurs, ont été abordés. Cela ne saurait être réduit à une histoire de caricatures sur une religion. D'autant qu'il ne faudrait surtout pas confondre anticléricalisme et racisme.
Une exécution comme celle-là doit bien entendu nous faire réfléchir et c’est pourquoi nous avons mis en exergue la réflexion de notre ami Vincent Engel. Parce que les raccourcis, les amalgames sont rapides, parce que les œillères se portent trop souvent, il nous faut être vigilants, sans complaisance, sans angélisme, mais en étant conscients de nos responsabilités.
Quand le journaliste Ivan Rioufol exige des musulmans français qu’ils manifestent leur désapprobation, il fait à notre sens fausse route…
"Non, je ne dis pas cela, au contraire. Je les somme presque aujourd'hui de bien nous faire comprendre qu'ils n'adhèrent pas" s'est défendu Ivan Rioufol. Dans le studio, cette réponse a fait vivement réagir. Musulmane, Rokhaya Diallo s'est ainsi sentie insultée. "Quand j'entends dire qu'on somme les musulmans de se désolidariser d'un acte qui n'a rien d'humain, oui, effectivement, je me sens visée. J'ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés" a-t-elle ainsi répondu. "Parce que vous ne comptez pas vous désolidariser ?" s'est alors indigné Ivan Rioufol. "Non mais vous pensez vraiment que je suis solidaire ? Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire ? Vous avez vraiment besoin que je verbalise ? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n'ai rien à voir avec ça" a répondu, "extrêmement choquée", Rokhaya Diallo.
Extrait intéressant à écouter
« Nous sommes effarés, nous sommes hors de nous, mais n’avons pas à nous justifier en tant que musulmans. Pourquoi s’adresser à nous ? Nous sommes comme vous. Qui vous dit que je ne suis pas athée ? D’ascendance musulmane, mais athée ? Il est indécent que nous soyons enjoints à nous désolidariser. Dès que j’ai appris ce qui s’était passé, j’ai téléphoné à mon ami François Gouyette, ambassadeur de la France en Tunisie. Je lui ai fait part de ma sympathie. Mais je l’ai fait au nom de mon humanité. Ça va sans dire que c’est un acte abominable, d’une grande barbarie. Je peux me mettre en faction, par la plume, par les mots, pour que ces actes soient punis. Mais j’aurais pu le dire en tant que Corse, en tant que Français, en tant que Tunisien. Je ne me désolidarise de rien du tout. Nous sommes tous responsables, quelle que soit notre religion : les chrétiens fondamentalistes, les extrémistes juifs, les islamistes radicaux. Et nous sommes contre ces actes parce que nous sommes humains, pas selon nos confessions.
Interview de Youssef Seddik philosophe et anthropologue tunisien spécialiste de la Grèce antique et de l'anthropologie du Coran.

Sommons-nous les bouddhistes pour les exactions en Birmanie, les hindous pour les ratonnades en Inde ou les catholiques pour les pensionnats de la honte ou des actes de pédophilie ?

Il s’agit de choses qui transcendent les croyances, les dogmes, qui touche notre humanité.
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
-Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'agneau ; je tette encor ma mère
-Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. -C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge."
Certains ne voient que les symptômes, sans vouloir connaître les causes du mal.
Parce qu’ils sont déjà là les récupérateurs, à lire les sorties de Bart de Wever, d’Alain Destexhe, de Marine Lepen, prêts, prompts à trouver des coupables, arguant qu’il n’y a qu’un seul remède à toutes les maladies.

Les assassinats de Paris ne sont effectivement que des symptômes d’une maladie, mais qui ne peut se réduire à un agent infectieux, en l’occurrence une communauté, comme voudraient nous le faire croire de pitoyables médecins à la Molière.

La démocratie est malade, de nous-mêmes aussi, de nos discours, de nos préjugés, de nos paresses intellectuelles.

S’il y a quelque chose de rampant actuellement, c’est avant tout la stupidité.

Le collectif « ».


PS. Certains réfutent l’idée que nous soyons des Charlie, arguant du fait que nombre de ceux qui arborent maintenant la phrase culte détestaient Charlie Hebdo. Qu’il y ait des hypocrites dans le lot, mais c’est certain. Que d’aucuns l’arborent avec une arrière-pensée raciste, mais c’est bien sûr. Qu’importe. Il s’agit d’un mouvement qui permet d’ouvrir des yeux… faisons en sorte qu’ils restent ouverts.