Lors de la Semaine du Bien-Vivre à Grez-Doiceau, une promenade cycliste a été organisée pour, entre-autres, amener une réflexion sur le lien entre l’agriculture, singulièrement les exploitations maraichères, et le paysage.
L’idée de ce thème nous était venue à la suite d’une réflexion d’une consœur qui s’enorgueillissait d’une interdiction de toute construction en zone agricole sur un plateau brabançon.
Figer le paysage est devenu la règle pour certains, partant du principe sans doute que si rien ne bouge, rien ne se perdra. Or, l’isoler de son contexte socio-environnemental nous semble une profonde erreur.
Les atteintes au paysage sont souvent un argument pour s’opposer à un projet quel qu’il soit. Pour autant, est-ce toujours légitime ? Et surtout indiqué ?
Quand un groupe de riverains s’inquiète, par exemple, de la création d’un lotissement dans une zone à bâtir et revendique l’interdiction pure et simple de ce projet, il s’oppose au droit du propriétaire à valoriser son bien. Prétendre que la confiscation de la vue sur le paysage est suffisante pour justifier cette interdiction nous semble un peu court. En effet, le paysage est un bien collectif, évolutif dont l’importance doit être parfois mise en balance avec d’autres besoins, fussent-ils à la base privés.
Les pratiques agricoles actuelles privilégient dans nos régions les grands espaces. Pourtant, cette situation est relativement récente et est fortement liée à la concentration des exploitations. Si nous nous référons à des vues datant de quelques dizaines d’années, nous constatons que, si nous ne sommes pas dans une zone bocagère, le morcellement des parcelles, par la variété des formes et des spéculations, offrait un paysage fondamentalement différent, beaucoup plus varié. Nombre de naturalistes considèrent d’ailleurs que cette variété était propice à la biodiversité.
Or, les exploitations maraîchères, essentiellement bio, qui (ré)apparaissent maintenant, de par leur taille, entre un et quatre hectares, et les cultures qui s’y pratiquent, ont un effet bénéfique similaire. Pour autant, il existe régulièrement une opposition à leur établissement à cause de leurs impacts sur le paysage.
D’abord, ces sites sont généralement entourés de haies, ce qui porte « atteinte » au caractère « open fields » de nos régions agricoles. L’agroforesterie (1), par les modifications similaires qu’elle apporte aux paysages, heurte aussi certains passéistes, alors qu’elle a un impact positif sur l’érosion et la biodiversité. Ensuite, la nature de leurs activités impose parfois la création d’un hangar pour pouvoir conditionner les récoltes, voire envisager une transformation in situ.
Enfin, une exploitation maraîchère, pour être viable, ne peut généralement pas faire l’impasse sur le placement de couches ou de serres tunnels. Ces éléments, parfois soutenus par des craintes liées à la mobilité, sont à la base du rejet, par certains, de ces projets quand ils passent à l’enquête publique.
Mais ces modifications du paysage ne sont-elles pas à mettre dans la balance avec, à l’autre bout du fléau, un impact positif sur la biodiversité, un accès à une production locale de nourriture, contrôlable de visu, des créations d’emplois et généralement de la convivialité.
Il faut certes être vigilant pour éviter une situation comme dans la région d’Almeria, en Espagne, avec plusieurs dizaines de milliers d’hectares de serres. Mais le risque reste minime dans nos régions de grandes cultures. Par ailleurs, la création de ces potagers est principalement le fait de nouveaux exploitants. Or l’accès à la terre reste problématique. La multiplication des parcelles maraîchères de ce type n’est sans doute pas pour demain. Les terres agricoles restent à la base de notre alimentation. Elles ne doivent pas être gaspillées pour des infrastructures inutiles, mais leur usage nourricier ne doit pas être exagérément figé à cause de la protection du paysage
(1) L’agroforesterie est un mode d’exploitation des terres agricoles associant des plantations d’arbres et des cultures ou des pâturages