Un soir, il y a une dizaine d’années. Une chambre d’hôpital. Les parfums d’un long voyage ou les portes du néant. Dire adieu dans ses moments de lucidité que laissent les cocktails, aides au grand départ.
« C’est toi » me dit-elle et tout ce que je réponds, c’est « oui », une main et des larmes. Voir partir une amie, une jeune femme, qui laisse un mari, deux enfants, une famille, des proches. J’ai vu avant, après partir des gens, mais c’est certainement cette mort annoncée qui m’a le plus marqué.
Sous la possible atrocité ou laideur des images, malgré le doute, la méfiance, le rejet que parfois génèrent ces supporters, j’ai lu non seulement cette amitié qui liait le petit Hollandais à ces passionnés de foot, mais aussi la cohésion, la force, l’engagement qui régnaient dans ces groupes. Si j’ai joué au foot plus jeune, dans une équipe locale, puis au collège, jamais je n’ai été attiré par le rôle de fan, par ces rassemblements pour injurier l’arbitre, l’équipe adverse ou le monde entier. Et pourtant, pendant que je regardais ces clichés au sens noble, j’ai compris, comme d’autres ce soir-là, la nécessité de tout cela. Peut-être qu’ailleurs, dans d’autres cultures, moins enclines à la compétition, à l’exclusion, ces collectifs ne s’imposeraient pas. Peut-être que d’autres moyens d’exprimer ces liens forts, ces liens d’amitié, ce sentiment d’appartenir à quelque chose existent, et c’est heureux, mais ces images m’ont poussé à reconsidérer mon point de vue sur le sujet. Et à redévelopper cette empathie, cette indispensable compréhension que nous devons avoir pour la situation d’autrui.
Quand je suis parti, l’étreinte de la petite ressemblait tellement à celles de sa mère. L’humanité ne se berce pas uniquement de mots.