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Une rivière couverte, un thon au plus bas et des patates mal pensantes : indéfendables ?

• Mardi 23/03/2010 • Version imprimable

Des anciennes éminences qui s’excitent pour un centre de distribution[1]. D’autres font grand cas d’un centre commercial soi-disant vert[2]. Certains verraient bien la Vesdre recouverte par une dalle de béton et des buildings[3].  Ils en profitent pour monter le bourrichon des citoyens en mettant en avant « l’emploi ». Les emplois sont une obsession qui justifie de faire tout, y compris le pire, pour les obtenir. Pour des emplois à court terme, nous pourrions hypothéquer sans vergogne l’avenir, au nom du genre humain.

Convaincus par la détresse des personnes sans emploi ou simplement animés par des pensées électoralistes ou intéressées, des décideurs refusent encore de mesurer ces projets à l’aune du développement durable. Point de réflexion à long terme, point de remise en question d’un mode de pensée. Bien entendu, je ne suis pas cruel au point de méconnaître la souffrance de ceux qui ne trouvent pas de travail, dans une société où le fait d’avoir un emploi est le signe que vous existez. Mais cela justifie-t-il les œillères, l’absence de vision ? Il arrivera vraisemblablement un jour où les investissements se révéleront mal faits. Il faudra trouver de nouvelles affectations ou réhabiliter ces sites commerciaux ce qui ne se fera pas sans débours, payés par la communauté.

Le projet de Forum Invest à Verviers, cités plus haut, est exemplatif : grandeur, masse, destruction d’un site pour un « return » finalement aléatoire pour la société. Revenir en arrière sera impossible. Les séquelles seront bien réelles. Un tel projet ne se juge pas sur sa valeur intrinsèque, mais en tenant compte de son environnement lato sensu : économique, social, urbanistique en intégrant autant l’homme que la nature. Il n’est pas sûr que cela soit rencontré en l’occurrence.

Soyons de bons comptes. Nos élus locaux et régionaux ne sont pas les seuls. Quand la commission européenne autorise une pomme de terre OGM, elle ne peut pas prétendre rencontrer les exigences d’un développement durable, pas plus qu’elle ne peut assurer que la société en tirera un « profit ». Nous avons aussi des « sushis » avec le thon rouge dont les effectifs sont limites, mais les intérêts en jeu sont tels que sa disparition est finalement acceptée, programmée en quelque sorte. ean-Baptiste Say avait beau dire que les bienfaits de la nature sont « gratuits », deux siècles plus tard, nous ne pouvons pas tenir le même discours.

Pour autant, le développement durable est-il une panacée ? Y a-t-il une expression aussi mal interprétée ? Entre le développement de l’homme et celui des activités humaines, il y a une telle distance.  Quelques-uns considèrent que le développement ne peut, par essence, être durable ; les moins radicaux lui préfèreraient l’adjectif soutenable, les plus extrêmes pencheraient pour indéfendable. Loin d’être arguties, ces réflexions méritent que nous nous y arrêtions pour mieux comprendre les enjeux. Parce que s’il y a arguties, elles seront plus du fait, par exemple, de « l’Europe » qui est tentée de considérer comme durable la monoculture de l’huile de palme en Indonésie, sans considération pour la déforestation qu’elle engendre. Le développement durable peut être une bonne excuse pour laisser de lourdes dettes aux générations futures.

Tout cela mériterait plus de développement.
 
Denis MARION.
 
 

[1] Andenne
[2] Farciennes