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Une agriculture utopique ?

• Mardi 15/04/2008 • Version imprimable

L’agriculture doit-elle se comporter comme une industrie classique ? Doit-on la considérer comme comparable à n’importe quel autre moyen de production ? Dans nos régions, la part de l’emploi dans l’agriculture s’est réduite comme peau de chagrin depuis la guerre. Cela en fait-il un secteur sans importance ? Nous consacrions ces dernières années, de moins en moins d’argent à nos dépenses alimentaires. Est-ce que cela a faussé notre jugement ?

Il y a une bonne quinzaine de jours, lors de la « Semaine sans Pesticides », le CRABE et BIOFORUM ont consacré une soirée débat à la place de l’agriculture paysanne et biologique. Un des thèmes abordés était l’accessibilité à la terre. Si ce problème est crucial, vital dans certaines régions du monde comme l’Inde ou le Mexique, il est également bien réel dans nos contrées. Un jeune qui ne serait pas issu du monde agricole a toutes les difficultés à trouver des terres pour commencer, par exemple, une activité de maraichage. Ce soir-là, un représentant du monde agricole a soutenu le contraire, qu’il n’y avait pas de soucis à trouver de l’espace pour l’une ou l’autre spéculation en citant l’exemple de contrats pour des carottes et des petits pois. Il ne semblait avoir compris que, dans cette discussion, l’on ne se trouvait pas dans un schéma purement économique où la terre doit aller, à court terme, au plus offrant, mais dans un schéma de développement à plus long terme, avec un équilibre entre l’économie, l’environnement et le social.

Il est temps de rendre à l’agriculture sa place dans la société, mais aussi de lui donner une responsabilité sociétale qui va au-delà de la simple production de biens de consommation. L’agriculture est là pour nourrir le monde, mais pas pour pourrir la vie. Depuis que les filières agroindustrielles à ce point intégrées sont en place, la manière de raisonner dans ce secteur semble avoir oublié le lien avec la nature, le remplaçant par des considérations purement pécuniaires. La terre n’est plus la vie, mais un simple support de culture.
Je pense que l’on pourrait trouver de nombreux exemples de ces dérives, en et hors de nos frontières, mais je ne n’en citerai que deux.
Un de mes beaux-frères, installé en Flandre, cultive des poireaux sur base de contrats. Comme le cahier des charges stipule qu’il ne peut y avoir de taches sur les légumes (1), il est obligé de pulvériser de très nombreuses fois.
Un jeune homme désire se lancer dans une certaine forme de spéculation porcine, là encore sur base de contrat. Les investissements sont conséquents et l’incidence sur l’environnement indéniable. De plus, la soumission au prix de l’industrie fragilise le producteur.
Dans les deux cas, le producteur n’est pas en position de force et son impact sur l’environnement n’est pas négligeable.
Certes, tous les agriculteurs conventionnels ne sont pas dépendants à ce point et tous n’ont pas un impact similaire sur l’environnement. Pourtant, la situation mérite que l’on s’interroge sur cette manière de fonctionner. La question est donc de savoir s’il faut rester dans un système agro-industriel ou si se tourner vers une agriculture biologique, paysanne, de proximité ne pouvait pas être une alternative crédible. Lors de la conférence évoquée plus haut, les exploitants bio ont clairement affirmé que leurs revenus n’étaient pas inférieurs à ceux d’un exploitant traditionnel, voire même supérieur. L’intérêt est que ces méthodes culturales n’ont pas de conséquences négatives sur les sols et sur l’environnement en général et que le travail effectué est parfaitement valorisé.
Est-ce que pour autant ces méthodes sont transposables à l’ensemble du monde ? La FAO affirmait encore, il y a quelques mois que l’agriculture biologique représentait un espoir certain pour l’alimentation du monde, conciliant respect de la nature, de l’humain et un niveau de production suffisant. Cela ne sera bien entendu pas facile si notre consommation reste en l’état. En effet, la demande en produits carnés va augmentant ; elle est grande consommatrice pour un petit rendement en protéines. Le spectre des agrocarburants est bien présent aussi.

Par ailleurs, (re)convertir à cette agriculture de proximité permettrait d’éviter que le jeu des financiers n’influence les cours des matières premières et n’entraîne des réactions violentes dans les régions les moins favorisées. Il me semble quand même difficile à admettre que, parce la bourse n’est plus porteuse, les hedge funds exportent leurs mauvaises manières sur des marchés autrement plus sensibles pour la survie du monde. Il n’est pas nécessaire de passer par ces spéculateurs pour nourrir le monde. D’ailleurs, certains producteurs, plutôt que de recourir à la loi de l’offre et de la demande, avec laquelle, tant le consommateur que le producteur peuvent être perdants, proposent pour leurs paniers qu’ils vendent sans intermédiaires un prix qui comprend, d’une part, le prix coûtant et d’autre part, une rémunération convenable.

Utopique ? Pourquoi donc serait-ce utopique de privilégier une solution éthique et écologique ?


1) A la demande du consommateur qui ne supporte plus les taches.

 

Commentaires

Lien croisé par Anonyme le Jeudi 17/04/2008 à 11:51

TBBW - Le besoin de changement dans l'agriculture. : "Je le jure, je l’affirme, haut et fort. Quand j’ai écrit cette chronique Une agriculture utopique?, je n’avais rien lu du rapport de l’IAASTD. Et pourtant, ma chronique ne s’en éloigne guère. Je vous livre ici quelques éléments de ce rapport, présenté ce 15 avril 2008, à l’UNESCO."