« Ce type de mégaprojet [future piste de ski indoor d’Antoing (la plus grande d’Europe)] a-t-il un sens lorsque l’on parle de développement durable ? » lui demandait un député lors d’une séance de questions réponses au Parlement. Ce à quoi le ministre a répondu: « Durable veut dire soutenable du point de vue écologique, social et de l’expansion économique. Le calcul ne peut pas toujours être positif pour l’ensemble des trois piliers du développement durable ».
J'avoue que je ne suis pas allé sur le site de la Chambre vérifier si la transcription des débats corrobore les affirmations du journal satirique. Mais enfin ! Personnellement, j'ai la faiblesse de croire que la notion de développement durable privilégie quand même les aspects environnementaux et sociaux auxquels doit être soumise l'expansion économique. Ou alors faudrait-il croire que le développement durable est un oxymore, fait non pas pour attirer l'attention, mais endormir la suspicion. Certains groupes de citoyens en sont convaincus. Pour eux, le développement durable est une escroquerie. Le développement tel que conçu par nos sociétés, reste étroitement lié à l'expansion économique et lui attribuer l'adjectif durable est simplement un changement de chapeau, l'homme est toujours le même avide.
Monsieur Magnette nous prépare un Printemps de l'Environnement. Le moment est venu de repréciser clairement les concepts et de tracer des routes claires vers un mieux-être environnemental. Ne soyons cependant pas naïfs. Ne nous attendons pas à des miracles. Quand nous examinons les résultats concrets du Grenelle de l'environnement en France, la loi sur les OGM en est un exemple, nous ne pouvons pas raisonnablement penser que cela sera mieux en Belgique. Si de plus en plus de personnes sont sensibilisées aux questions environnementales, particulièrement à celle du réchauffement climatique, les gouvernants n'en font apparemment rien de réellement efficace pour améliorer la situation. Et ce n'est pas moi qui le dis, mais Al Gore dans une récente interview. Il s’agit pourtant de continuer et de ne pas baisser les bras, en jouant sur tous les tableaux et pourquoi pas sur le plaisir. Plaisir dont il fut question lors du même échange à la Chambre.
« Devons-nous, dans notre effort de développement durable, aller jusqu’à une forme de jansénisme en interdisant ou refusant tout ce qui serait contraire ? » se demande le ministre. Ce n’est pas souvent que le mot plaisir se lit dans un compte-rendu. Refuser aux gens le plaisir d’une piste de ski indoor serait donc une forme de jansénisme. Serais-je devenu un ascète ? Je n’en ai pourtant pas les attributs. Cela me fait penser à une anecdote. Il y a quelques années, une connaissance décidait de s’envoler en plein été vers l’Egypte. Quelques-uns d’entre nous n’ont pas manqué de le « charrier », qui, le traitant de suppôt d’une dictature misogyne, qui, le qualifiant de pollueur des cieux… Las de nos commentaires, il a nous rétorqué que la vie avec nous serait morose. L’année suivante, il est resté chez lui, à l’abri des coups de soleil et des promenades en chameau hors de prix. La question est là, fondamentale : où est le plaisir ? Hier, une amie me disait que sous les pins, près de chez elle, elle se sentait en vacances. Il me semble, et ne m’arrêtez pas si je me trompe, que la plupart des plaisirs sont devenus des plaisirs de consommation ; que la culture du plaisir s’est déplacé de la sensualité (sous toutes ses formes) à l’acte d’acheter ou de consommer, que ce soit des objets ou des sensations. La glisse sous verre n’en est-elle pas l’expression la plus aboutie ? Une consommation énorme d’énergie pour un paradis artificiel, avec sans doute, des substances chimiques pour rendre le parfum de la nature. Si combattre ce genre de développement durablement néfaste est être janséniste, je veux bien faire le chemin de Port-Royal. (Celui des chocolats)
Il n’empêche que le ministre n’a pas tout à fait tort. Il faut travailler sur le plaisir, les petits plaisirs de la vie, le plaisir de rencontrer, le plaisir de marcher, de respirer, de regarder, le plaisir d’aimer et là, il ne peut pas me donner totalement tort, lui qui a dit que « Si nos concitoyens faisaient mieux l’amour, notre région s’en porterait peut-être mieux… ».
Tiens, si vous n’avez rien à faire le week-end prochain, venez pointer votre nez à Grez-Doiceau au Souper des Baillis ce vendredi ou contemplez le combat du dragon le dimanche. Pour mon plaisir et peut-être le vôtre, j’y serai déguisé en frère Tuck.