Tout est en ordre. Aujourd'hui, nous n'avons plus aucun souci. La vie est belle. En ce premier avril 2008, les affres environnementales ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Le climat est remis d'aplomb. Oubliées, les pollutions. Rétablie la biodiversité. Bien entendu que c'est un poisson, et un poisson d'avril pas comique, parce que les poissons d'avril un peu marrants ont tendance, comme beaucoup d'autres espèces, à disparaître.
De retour avec ce catastrophisme ambiant se plaindront certains. Il faudrait sans doute vous le dire avec des fleurs, vous l'expliquer avec des expressions positives. Il paraît que pour vous convaincre, il faille que vous en tiriez du plaisir ou qu'on attende la catastrophe ingérable. En ce début de printemps glacé, je préfèrerais vous parler d'amour, de rencontres, de joies, d'espoir. Peut-être une garden-party un peu mondaine où l'on servirait des cocktails bio. Malheureusement, les boissons sont noyées dans la glace. « Un énorme pan de glace, équivalent à environ quatre fois la superficie de la ville de Paris, a commencé à s'effondrer sous l'effet de la rapidité du réchauffement climatique » a indiqué, mardi 25 mars, le Centre national de la neige et de la glace de l'Université du Colorado. Noyées les belles en robes chics, engloutis les beaux messieurs (en canotier). Quel spectacle désolant que les pelouses du château sous eau. Certes, et pour des raisons physiques, ce bloc de glace monstrueux ne va pas augmenter le niveau de la mer, « mais c'est une autre indication de l'impact du changement climatique dans la région », a commenté David Vaughan, du British Antarctic Survey ayant participé aux travaux de mesure de la fonte des glaces. Et encore, en fait de joyeusetés printanières ne parle-t-on vraiment que de réchauffement climatique. Les autres effets de nos pollutions n'ont pas encore la même médiatisation. C'était la semaine passée, la "semaine sans pesticides". Partout en Europe, des activités étaient organisées, avec plus ou moins de succès, pour sensibiliser les gens aux dangers des produits phytosanitaires. Soyons clairs, là comme ailleurs, les chiffres de la pollution sont alarmants. Les niveaux de pollution des eaux souterraines sont élevés. Les impacts pour la santé et sur la biodiversité sont évidents. Des différentes conférences auxquelles j'ai pu assister, j'en retire que de nombreux efforts restent à faire pour un usage raisonné (alors, une non-utilisation) de ces produits. Si l'usage des pesticides en agriculture a connu une diminution certaine, et quand bien même ce niveau resterait trop élevé à mes yeux, l’agriculture conventionnelle n’est pas seule en cause et partage avec d'autres secteurs la responsabilité de la diffusion de ces produits toxiques. Les autorités territoriales peuvent par leurs actions entraîner la diminution des polluants. Le concept de gestion différenciée des espaces publics, évoquée par Frédéric Jomaux d'Adalia, dans une conférence à Grez-Doiceau, est un mode de gestion fort prisée en France. Certaines municipalités ont pris en considération les coûts humains, environnementaux et économiques d'un usage immodéré des substances chimiques. En repensant l'affectation des lieux publics et leur entretien, par un usage de techniques culturales (moins d'annuelles, plus de vivaces, par exemple) et par des plantations bien pensées (privilégier les espèces indigènes par exemple), elles sont parvenues à diminuer ou à supprimer l’usage de produits phytosanitaires. Bien entendu, il a été également nécessaire de sensibiliser le public en lui expliquant entre autres que quelques herbes entre les pavés n'est ni un problème esthétique, ni de sécurité. Le bénéfice est particulièrement clair pour l'environnement, mais il est aussi évident pour les communes. C'est un plus pour la santé du personnel d'entretien, mais aussi pour l'intérêt de son travail (entre asperger les fossés, en portant une combinaison imperméable sous 30° à l’ombre et entretenir par élagage des bosquets, personnellement, mon choix serait vite fait). Et la plupart des communes interrogées par Frédéric Jomaux ont connu soit une stabilité des coûts, voire même une diminution. Mais les particuliers ont également un rôle à jouer dans ce combat. Dans la plupart des cas, d’autres choix existent, aussi faciles et efficaces. Il n'est pas nécessaire de s'intoxiquer avec un aérosol. C'est d'ailleurs un des problèmes cruciaux: l'utilisation correcte et appropriée des produits. C'est dans ce sens qu'une proposition de loi à l’initiative de Thérèse Snoy, députée fédérale, vise à la suppression de la publicité pour les pesticides. « Les pesticides sont des médicaments pour les plantes » disent les professionnels. Alors comme pour les médicaments, interdisons-en la réclame. Il serait également judicieux de ne plus les vendre en libre-service, de limiter la délivrance aux quantités nécessaires pour le problème rencontré et que cette vente se fasse par des vendeurs bien formés et pouvant donner des conseils d’utilisation personnalisés.
|
|
« B… bleu pour les insectes volants, B… vert pour les insectes rampants » doit devenir une rengaine du passé qu’on ne chantera plus qu’aux banquets des anciens des firmes spécialisées (pour ne pas mentionner leur association de lobbyistes qui exigeait sa place lors de la semaine sans pesticides). |