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Tabou parce que t’as beau dire, il faut parfois interdire

• Lundi 25/02/2008 • Version imprimable

« Dans les années soixante, la morale traditionnelle était traitée de culpabilisante. Cela recommence. La dernière nouveauté  : nous donner mauvaise conscience si nous prenons l’avion » écrivait Rudolf REZSOHAZY dans une chronique publiées dans La Libre. J’ai toujours un certain plaisir à relire l’un de mes anciens professeurs. Enfin, seulement quand j’ai réussi leurs examens. Bon, je n’ai pas pour habitude de passer de la pommade et ce ne sera pas le but de cette chronique.

Le point de vue est intéressant de considérer les prescrits en matière environnementale comme les nouveaux tabous, des exigences morales, des chemins vertueux à prendre pour ne point risquer l’enfer climatique. Si cela est nécessaire, ne faut-il pas en passer par là pour moraliser nos conduites en matière de respect du milieu  ?
Effectivement, il y a toujours un obligatoire recours à l’éthique pour orienter des comportements  : ce qui est bon, ce qui est bien, ce qui l’est moins. Peut-on justifier la destruction d’une terre que nous avons empruntée aux générations futures pour satisfaire nos besoins actuels de consommation  ? Ou plus exactement, la destruction d’un biotope dans lequel l’homme peut s’épanouir, parce que la terre, elle, nous survivra. Mais se mêlent nos coutumes, nos nécessités réelles ou inventées, notre respect de dogmes économiques, philosophiques ou autres pour freiner notre adhésion à une réflexion écologiste.

Je ne voudrais pas pour autant comparer ces nouvelles exigences aux carcans moraux, particulièrement liés à la sexualité, qui ont corseté ou corsettent encore, à bon ou mauvais droit, nos sociétés. Si les premières sont fondées sur des considérations scientifiques (n’en déplaise aux sceptiques), les seconds sont liés à des codes de conduite, généralement héritiers des religions. Certes, le tabou de l’inceste se trouve justifié, a posteriori, par la génétique, mais la plupart de ces règles n’ont pas ce fondement scientifique direct que l’on peut attribuer aux « prescrits environnementaux ». Sont-ils, ces prescrits, une invention de notre siècle  ? Je ne suis pas un anthropologue distingué, mais je me suis laissé dire que certaines cultures, comme les indiens Hopis, les pratiquaient depuis l’aube de leur temps. Mais sur quels fondements  ?

Pourquoi sont-ils devenus des tabous  ? Des interdits qui deviennent à ce point puissants que l’on commence à avoir mauvaise conscience de les transgresser  ? Si l’humain était à ce point sage pour écouter les conseils de ses pairs qui attribuent à sa conduite des conséquences dramatiques pour son espèce, des conséquences qu’il ne pouvait certes deviner, mais qu’on lui démontre maintenant, il serait enclin de lui-même à limiter son impact. Mais la force des habitudes et la puissance de certains mécanismes, empêchent nombre d’entre nous de « spontanément » suivre cette voie. Il nous faut des images pour nous faire peur, la pression de nos enfants dont nous sacrifions l’avenir, le regard de plus en plus critique de ceux qui ont déjà sauté le pas, pour que nous commencions à réfléchir. S’il suffisait d’une « contagion positive » pour faire avancer les choses, mais nous préférons quoiqu’en pensent certains politiques, le bâton à la carotte.

Alors, je ne crains pas de confronter à leur immoralité ceux qui prennent trop l’avion, trop leur voiture, trop leur carte de crédit, trop leurs aises avec la suite de l’histoire. Mais j’accepte aussi mes propres (et relatives) contradictions et ces paradoxes où les défenseurs de la nature prennent l’avion pour défendre leurs thèses, où je prends mon véhicule pour me rendre dans l’une ou l’autre commune pour défendre les miennes. Il nous restera à expier en allant à pied le reste de la semaine ou à compenser nos émissions de CO². J’estime de toute façon que ces kilos de gaz pour la bonne cause ne sont rien à côté de ceux produits pour satisfaire aux plaisirs mortifères des quads, des 4x4 de loisirs, des courses automobiles, des vacances « toasters »... Faut-il fustiger, comme le fait mon ancien professeur, l’hypocrisie de ceux qui se donnent bonne conscience en achetant une voiture neuve qui pollue (à peine) moins que la précédente  ? Faut-il critiquer ces publicités qui, vantant les vertus environnementales de leur produit, ne s’éloignent pas en fait d’une pensée hyperconsommatrice  ? Oui, il le faut  !
Si dans nos têtes, nous pouvions peu à peu faire évoluer notre idée du plaisir et de l’épanouissement.

Denis MARION.

PS. Monsieur le professeur, je vous le confirme, l’avion est extrêmement polluant et nos dirigeants qui ont Kyoto à la bouche, mais autre chose dans leur tête devraient certainement agir pour limiter son envolée.