Nous sommes dit-on en période de crise qui demande selon les uns, une austérité budgétaire, selon les autres, le retour des principes keynésiens. Mais tous s’accordent sur le principe d’une rigueur dans les choix de dépenses qui doit prévaloir. Nous sommes à la veille de lendemains qui déchantent diront certains. Il faut penser aux défis énergétiques, climatiques, sociaux. Et pour beaucoup, de la gauche à la droite, si développement, il y a, il doit être au minimum durable.
Et pourtant, prenons-nous ce chemin, même a minima ?
Dans l’article « Espagne, des milliards par la fenêtre », François Musseau évoque cette manne d’argent investie dans des infrastructures sans avenir comme ce «premier aéroport piéton du monde» qui inauguré en mars 2012, […] n’a toujours pas vu le moindre avion. Ce thème est repris dans un célèbre journal satirique par Jean-Luc Porquet qui se questionne sur la situation en France, ne la trouvant pas fort éloignée finalement de l’espagnole, parlant de cet imaginaire vieillot qui remonte aux Trente Glorieuses (bagnoles, béton, avions). En Belgique, en Wallonie, sommes-nous plus vertueux ? Alors que l’offre en chemin de fer périclite, il faut des gares marquant les esprits comme celle de Liège ou la future de Mons. Vous ne nous emmènerez pas sur le terrain de l’esthétisme, du plaisir du tourisme, du besoin de cathédrale que connaît encore l’homme moderne. L’homme moderne quand il est usager du chemin de fer préfère à coup sûr des trains à l’heure, des infrastructures performantes et des points d’arrêt conviviaux.
Et si nous ne péchions que par le train. Il fallait des aéroports dont on s’inquiète maintenant du risque de départ de l’usager principal, qui a bien fait son beurre avec nos subventions. Il fallait un circuit de Formule Un pour engraisser un Britannique peu sympathique et apprendre l’anglais à certaines de nos éminences. Et puis surtout, il fallait et faut encore des zonings, des centres commerciaux, des routes qui se construisent à coûts (sic) de subsides sans pour autant être systématiquement justifiés.
A croire que chaque petit potentat local veut sa pyramide, son obélisque, son grand-œuvre pour que les générations futures puissent reconnaître leur génie bâtisseur, leur sens de l’anticipation. En faut-il du besoin de reconnaissance pour croire qu’un nom sur une première pierre deviendra un nom dans l’histoire. (Quoique avec certaines biographies de complaisance sur Wikipédia). On oubliera sans doute leur nom, mais pas leurs méfaits.
Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas écrit. Mais nous désirions poser cette question : sommes-nous sûrs de la validité de nos investissements ? Prenons par exemple les dix routes pour l’emploi que vante le gouvernement wallon. Cela se mesure-t-il réellement ? Tant de mètres de bitume, tant d’emplois ? Selon l’OCDE, il y a « chez les politiciens une croyance fortement ancrée selon laquelle les investissements dans les infrastructures de transport génèrent un développement économique et, corrélativement, des emplois. Cependant, cette croyance n’est pas confirmée par l’analyse scientifique, qui indiquerait plutôt que l’impact de ce type d’investissements sur l’emploi et l’économie demeure limité – du moins dans les pays développés – et peut même, à une échelle purement régionale, être négatif ».
Croire également qu’une nouvelle infrastructure nous sauvera de la mise en bouteille tient de l’incantation. En 2006, à la fin des travaux d’élargissement sur le ring d’Anvers, il a été constaté une augmentation des engorgements de 7,5%. Ce n’est pas étonnant quand on sait qu’en Belgique, de 1980 à 2000, la longueur du réseau routier a augmenté de 18,5%, alors que le trafic bondissait de 87,7%.
Alors repensons vite notre manière de dépenser. Consacrons notre argent par exemple à l’isolation des milliers de mètres carré de bâtiments et logements publics. Nous améliorerons leur bilan énergétique et avec un peu de chance, nous offrirons de l’emploi local.
Et en termes de cathédrale, une forêt vaut bien une gare.
Anne Collignon (géographe-urbaniste, spécialisée en environnement), Denis Marion (économiste, actif dans la communication citoyenne), Hermann Pirmez (anthropologue, actif dans le monde agricole), Laurent Francis (docteur en sciences appliquées), Marie Smets (spécialisée en environnement)
PS. Les questions que posent les électeurs aux politiques sont souvent pertinentes, sinon pourquoi auraient-ils voté pour eux?
Venez découvrir les tables des plus grands restaurants de france sur mon blog.