Caramba, la « pastèque masquée » m’a devancé en parlant dans sa dernière chronique[1] de Pierre Klees[2]. Avec quelles bonnes raisons, cette ronde pastèque a-t-elle relaté ses propos. « La situation est sous contrôle et évolue... » mériterait le prix du mensonge politique. De sa petite Belgique, sans doute au courant du moindre détail, cet éminent ingénieur peut nous assurer froidement que tout est sous contrôle. Tiens, aujourd’hui, lundi, on a dû évacuer des gens de cette centrale sous contrôle[3].
« L’incitation à la peur ne donne pas de résultats positifs ». Mieux vaut sans doute inciter les gens à ne pas penser. Mais peut-être que la peur n’est là où l’on croit, là où il croit. Peut-être que la peur est parmi ses semblables. Le peur de voir ou de devoir remettre en question leurs dogmes de développement ou la pertinence de leurs raisonnements.
Sans doute, dans un débat, lui et ses coreligionnaires me remettraient facilement à ma place. Je n’ai pas toute leur science. Mais parfois, il suffit d’additionner un plus un pour savoir que le trois qu’ils nous vendent ne doit pas être juste. Compiler des rapports de sources officielles, répertorier les incidents, les réprimandes ou mêmes les condamnations, permet de se faire une idée de la manière dont cette industrie fonctionne.
Deux petits exemples…
« L’énergie nucléaire est une technologie trop sophistiquée pour faire l’objet d’un prosélytisme universel : seuls les pays à même d’effectuer un investissement matériel et humain considérable sont en mesure de maîtriser suffisamment les conditions de sûreté pour la déployer à l’échelle de l’ensemble de leur territoire.[4] » lit-on dans un rapport du sénat français.
Est-ce à dire que vouloir construire une centrale en Libye était une mauvaise idée[5] ? Est-ce à dire que le manque d’argent ou de personnel qualifié conduirait à une diminution de la sécurité ? Alors, même dans nos pays encore riches, la question se posera. Les coûts de la sécurisation de Tchernobyl ont été incommensurables et ce n’est pas fini. Mais le démantèlement d’une simple centrale pose déjà plus de problème et demande plus d’argent que ce qui était prévu. Le site nucléaire de Brennilis[6] est particulièrement illustratif de ces risques.
Plus préoccupant, parce qu’il définit la mentalité actuelle dans ce secteur est ce rapport[7], rédigé par François Roussely, Vice-président Europe de Crédit Suisse et Président d'Honneur du Groupe EDF.
« Force est néanmoins de constater que la notion même de compétitivité du nucléaire et l’hétérogénéité des règles de sûreté selon les Etats renforcent l’actualité de ce débat et la nécessité de préciser certaines exigences de sûreté. La seule logique raisonnable ne peut pas être une croissance continue des exigences de sûreté. » En d’autres termes, la sûreté, cela commence à bien faire. Cela va très bien avec l’affirmation de Sarkozy « L'environnement, ça commence à bien faire ». Lequel, d’ailleurs, il y a peu, trouvait que l’excès de sécurité des centrales nucléaires françaises en empêchait la commercialisation à l’étranger[8]. Maintenant, du haut de ses talonnettes, sans doute coiffé d’un joli casque jaune, il proclame haut (enfin, hummm) et fort que ses centrales sont les plus sûres du monde. Mais personne, je l’espère, ne le croit.
Peut-être fut-il un temps, et je dis cela pour faire plaisir à mon papa, où l’énergie nucléaire était la solution ? Maintenant, et sans céder à une quelconque peur irraisonnée, il est clair qu’elle devient plus qu’un problème. La remettre en cause nécessitera sans doute de remettre en cause bien d’autres choses. Mais cela est nécessaire.
Denis MARION
Entrepreneur sans but lucratif.
PS. Ceux qui les vendent ne sont pas ceux qui entretiennent ou les réparent. Ces gens sont les sacrifiés de cette industrie[9]. Certainement ceux qui œuvrent au Japon maintenant.
[2] Pierre Klees, dans un autre registre, avait affirmé que les riveraines de Zaventem n’avaient qu’à mettre des « boules Quies » ou à se faire soigner. Aucun avion ne passait au-dessus de chez lui à Uccle.
[4] Déchets nucléaires : se méfier du paradoxe de la tranquillité - Sénat
[7] Avenir de la filière française du nucléaire civil - Synthèse du rapport - La Documentation français
www.ladocumentationfrancaise.fr
François Roussely, Vice-président Europe de Crédit Suisse, Président d'Honneur du Groupe EDF a été chargé par le Président de la République, d'une mission sur l'évolution de l'énergie nucléaire civile à l'horizon 2030
[8] Canard Enchaîné du 16 mars 2011.
Mon cher Denis,
Congratulations, my dear!
La dernière phrase est particulièrement significative et, comme disent mes amis cathos, elle m'interpelle. Elle témoigne d'une belle lucidité et certains rechignent à l'entendre: Quoi? "Remettre en cause bien d'autres choses!"
L'ineffable, le sublime Klees était insupportable. Heureusement pour mon moral il a irrémédiablement fait la preuve ces jours-ci qu'il est aussi grotesque.
Louis