Le collectif Calvin & Hobbes présente une chronique de Stan,
Les chiffres sont alarmants. 70 % des Belges ont marqué leur accord à cette proposition contenue dans l’enquête d’opinion « Noir Jaune Blues » qui sonde en profondeur la société belge: « Il faut un pouvoir fort pour remettre de l’ordre ». 13 % se tâtent. Et seulement 17 % rejettent cette idée[1].
Mais quel ordre ? Sommes-nous à ce point déficients mentaux (et mes excuses aux vrais) pour croire qu’un pouvoir fort ferait nos affaires ?
Fausse alarme ? Le sociologue Benoît Scheuer qui a piloté l’analyse de cette enquête y voit (plutôt) «la restauration du pouvoir de l’Etat » et/ou un «pouvoir qui doit protéger» l’individu face à un monde globalisé devenu incompréhensible.
Est-ce cela ? Ou est-on plus proche d’une femme de footeux qui encense un pouvoir dur qui « protégerait »[2] ? A voir les amoureux de Poutine dans nos contrées, ce serait en partie aussi cela.
En fait, le problème n’est pas la restauration du pouvoir de l’état ou l’envie de protection, mais comment s’exerce ce pouvoir ou cette protection.
C’est là fondamentalement la question.
Les despotes éclairés du dix-huitième ont entamés des réformes intéressantes, sans remettre en cause leur pouvoir et la structure de la société ce qui fut, pour partie, la raison de la révolution brabançonne par exemple.
Les dictatures du vingtième n’ont pas livré les résultats que certains espéraient, ne serait-ce qu’en termes de « protection » contre….
L’aristocratie (au sens du gouvernement par les meilleurs) n’a pas fait plus ses preuves.
La démocratie représentative qui mandate certains pour gouverner d’autres montre souvent ses limites. D’autant que les mandants ne peuvent généralement pas révoquer leurs mandataires avant le terme.
Croire qu’un pouvoir fort fait avancer les choses est une erreur. Certes, brièvement, ponctuellement, un homme ou une femme peut être un catalyseur, un étendard, que sais-je… Il/elle réveille, bouscule les choses. (Ce que n’est pas un Donald Trump me semble-t-il). C’est un moteur qui s’insérerait dans un véhicule. Mais on ne doit pas lui laisser le volant trop longtemps.
L’entreprise, un monde dans lequel je suis fortement impliquée comme cadre, est un bel exemple de « pouvoir fort ». Il y a des entrepreneurs visionnaires qui portent des projets extraordinaires, qui les mènent à bon port avec respect pour leurs collaborateurs.
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Médor publie un document rare. Rare, parce qu’il montre comment un mandataire PS à la tête d’une intercommunale dialogue avec le syndicat de sa famille politique lors d’un conflit social. Rare, parce que cette vidéo n’est restée en ligne que six jours: Stéphane Moreau a menacé le vidéaste amateur de lui réclamer 500.000 euros en justice pour «atteinte à son image». |
Et puis, il y a les autres. Singulièrement dans les grandes entreprises. Les apparatchiks de l’économie, généralement des hommes, payés grassement, sans prise de risque réellement personnel, y ont le pouvoir, sans qu’en fait, leurs qualités soient avérées. Même si, sur le papier, ils disent prôner la participation, la possibilité pour leurs équipes de définir et de décider pour leurs projets, et plein d’autres choses qui semblent bien excitantes, au bout du compte, ils se mêlent de tout, de la couleur d’une chiotte à la forme d’une lettre (en ayant parfois raison, mais bon est-ce leur boulot ?) sans accepter la contradiction.
Tout cela induit une servilité qui empêche souvent l’entreprise d’évoluer, parce qu’en-dessous, ce sont les béni-oui-oui qui ont pris le pouvoir.
Croire que la force est la seule manière de mener le monde est une erreur. Cette idée machiste de l’homme fort protecteur est pourtant communément admise, même chez les femmes.
Là encore, l’entreprise offre des exemples intéressants, où, nous, les femmes, si nous ne cédons pas à la masculinisation de notre management, nous avons sans doute de meilleurs résultats sur le long terme. La force brute a rarement de l’intérêt.
Ne déléguons pas (systématiquement). Prenons, avec humilité, ce pouvoir qui est le nôtre. Osons contrôler.
Et ne croyons pas ces candidats antisystèmes qui ont le cul dans le beurre.
[1] Qu’est-ce qu’un « pouvoir fort » ? Le sondage ne le dit pas. En revanche, il indique clairement qu’une majorité de personnes interrogées pensent que le système politique actuel est en faillite et que la démocratie fonctionne mal. Un net repli identitaire est par ailleurs confirmé. Autant d’ingrédients qui rappellent les années 30 et la montée des extrêmes.
Mais pour Benoît Scheuer qui a piloté l’enquête d’opinion « Noir Jaune Blues », ce ralliement à l’idée d’un pouvoir fort serait moins préoccupant qu’il n’y paraît. Le sociologue y voit éventuellement « la restauration du pouvoir de l’Etat » et/ou un « pouvoir qui doit protéger » l’individu face à un monde globalisé devenu incompréhensible. « Il attend du pouvoir qu’il mette en place des frontières pour se protéger de l’étranger et qu’il donne la priorité aux Belges en matière d’emplois et d’allocations »
[2] Rafaella Witsel se soucie de la sécurité de sa famille : « Je me suis toujours sentie en sécurité avec Axel à Saint-Pétersbourg. J’ai l’impression qu’il peut moins vite nous arriver quelque chose en Russie qu’en Belgique. Les Russes ont une mentalité différente : le peuple et les autorités sont plus durs. »