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Permis de chasse ou permis de conduire?

• Mardi 18/08/2009 • Version imprimable

La vie a-t-elle un prix pour ce médecin rentrant chez lui qui roule à 110 km à l’heure sur une chaussée limitée à 90, mais où la disposition des lieux conseillerait même un 70 km à l’heure. La vie a-t-elle un prix pour cette jeune femme qui aborde à vive allure une rue sinueuse dans le cœur d’un village ? La vie a-t-elle un prix pour ces milliers d’automobilistes qui traversent des zones de travaux bien au-dessus de la vitesse maximale ? Certains prétextent que personne n’y travaille, jusqu’au jour où… La vie a-t-elle un prix pour ce jeune conducteur de cabriolet pour qui les autres ne sont que des obstacles de gymkhana ? La vie a-t-elle un prix pour ce père de famille qui s’estime victime d’une manœuvre et qui en poursuit l’auteur, bien innocent semble-t-il, essayant par ses intimidations à le faire stopper ?  La vie a-t-elle un prix pour ces gens ? La leur ? Celle d’autrui ? Quand ces quelques exemples sont évoqués, beaucoup de gens n’y voient pas malice, sauf peut-être pour le dernier. La vitesse reste quelque chose de respectable à défaut d’être respectée. D’autres sont plus ou moins sincèrement choqués. Parfois risibles, de la part de gens dont on connaît « l’inconduite » notable, mais souvent sincères.

Dans un rapport de 2007 de la police fédérale, on pouvait lire les lignes suivantes :
Une personne interviewée sur deux (55,5%) se dit parfois à souvent en insécurité sur les autoroutes. Les causes de ce sentiment d’insécurité spontanément évoquées sont :
- Les poids lourds : non respect des distances, chargés dangereusement, non respect des temps de repos, mal éclairés, ...
- La vitesse : vitesse inadaptée aux conditions, vitesse excessive, freinage brusque, non-respect des distances, ...
- Le comportement des autres usagers : dépassement par la droite, manœuvres imprévues, non-respect des distances, ...
Pour certains, le sentiment d’insécurité dans la circulation dépasse très nettement toutes les autres craintes qu’ils pourraient avoir.
J’ai un ami, un peu anarchiste mais fortement cycliste, qui réclame pourtant contrôles et sanctions contre les usagers de la route qui ne respectent pas autrui. Il enrage de voir des gens pour qui la vitesse maximale est aussi la vitesse minimale, particulièrement quand ils n’ont aucune vision.

Mais quand on aborde les solutions, certains se plaignent de l’excès de répression ou d’aménagements contraignants. D’autres sont à ce point pessimiste qu’ils estiment qu’il n’y a rien à faire. Quelques-uns parlent d’éducation ou (d’absence) d’aménagement. Mais est-ce cela fonctionne ? N’est-ce pas coûteux ?

Dans une réunion à laquelle je participais, nous évoquions dernièrement ces expériences bataves de supprimer toute signalisation et marquage de telle sorte à ce que chacun redouble d’attention, se sente responsable et respecte l’autre, une sorte d’anarchisme appliqué à la circulation routière. Je ne connais pas les statistiques néerlandaises d’accidents de voiture en ville, mais ne peut-on pas estimer qu’avec leur respect inné du vélo, les Hollandais seraient plus enclin à pouvoir fonctionner de cette manière (cela existerait aussi à Nantes, par endroits parait-il, m’a-t-on dit récemment).

Je connais certains aménagements pas très loin chez moi A Sint-Joris Weert, pour ceux qui voudraient le savoir., où les concepteurs de la voirie ont conçu des rétrécissements et des élargissements successifs, sensés sans doute à amener les usagers à ralentir. Il n’en est en fait rien Le conducteur prudent se retrouve souvent en face d’un autre qui l’est moins et pour qui, la seule solution est de monter sur le trottoir, sans se préoccuper finalement de ce qui pourrait s’y trouver. La vitesse n’est pas réellement diminuée et les usagers faibles et les rétroviseurs ne sont pas plus protégés. Dans d’autres endroits, ce sont les chicanes qui excitent la pédale de gaz. Les dos d’âne, dont le Touring Club se plaint,  deviennent l’occasion de tester les suspensions  et les accélérations des 4x4. Aux carrefours, beaucoup ne sont pas en reste pour jouer du frein ou de l’accélérateur intempestif au détriment de riverains.

En fait, nos manières de conduire illustrent parfaitement nos manières de vivre en société : individualisme, agressivité, loi du plus fort, manque d’empathie, égoïsme. Bien entendu, chacun d’entre nous est capable d’un mauvais jugement ou d’une erreur de conduite, de temps à autre. Certains s’en font pourtant une spécialité. Je ne sais pas si les contrôles et les sanctions sont la solution, mais ce qui est  évident est que la culture du prédateur est encore vivace sur nos routes. Ethiquement, socialement et envrionnementalement, ce n’est pas acceptable.

Il y a pourtant moyen de se déplacer sans que cela soit un safari.

Denis MARION