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Penser plus loin que le bout de son ticket de caisse

• Lundi 22/01/2007 • Version imprimable

« Les températures douces font donc le bonheur des portefeuilles, tant des simples citoyens que des collectivités. Si les écologistes ou les scientifiques s’affolent de ce type de record climatique, une partie importante de la population semble y trouver son compte. »

Voilà ce que je lisais dernièrement dans un journal à grand tirage. C’était la conclusion qu’en tirait le journaliste à la suite de son énumération de toutes les économies de chauffage qu’offrent les températures clémentes, mais anormales.
Bonnes gens, votre portefeuille va bien, alors laissez s’affoler les vieilles folles écologistes, scientifiques et autres pythies néfastes ! Soyez contents ! Regardez seulement ce que vous pouvez épargner (et dépenser à autre chose) ; et tous ceux qui disent que ce n’est pas bon qu’il fasse si doux, que c’est anormal, ne sont que des oiseaux de mauvais augure.

Ce que l’on peut raconter de stupidités, Monsieur le Journaliste !

J’ai rencontré, il y a quelques jours, des scientifiques de l’ABC Impacts (1). Ces jeunes universitaires, impliqués dans un projet qui doit mettre au jour l’influence de l’aviation sur le climat, ne paraissent pas être des femmes et des hommes prêts à s’affoler pour un rien. Ils mesurent, ils constatent, ils tirent des conclusions... qui seront affolantes si l’on ne trouve pas de remède au mal.

Parce que c’est bien de penser à son portefeuille, de rêver à tous les bazars que l’on pourra acheter ; mais il faut quand même penser un peu plus loin que le bout de son ticket de caisse. Certes, il y a des ménages qui tirent le diable par la queue. Pour eux, un hiver doux est synonyme d’une fin de mois moins serrée... Mais pour les autres, fort nombreux assurément dans nos pays, plus ou moins argentés, pas dans la dèche, c’est l’occasion de s’offrir un bel extra pour deux cents euros minimum (2) : un voyage en avion de plus par exemple. Y en a-t-il parmi eux qui vont penser à consacrer ce bonus bienvenu à un acompte sur des travaux d’isolation ou un simple audit énergétique ? Quelques-uns peut-être, mais pas la majorité.

Les particuliers et les collectivités bénéficient effectivement à court terme de ces dérèglements climatiques, mais ils ne feront pas l’impasse d’une remise en question de leur mode de fonctionnement. Le chauffage de nos habitations est l’une des sources principales de gaz à effets de serre et la plupart de nos chaudières sont alimentées avec des énergies non renouvelables. De plus, le réchauffement climatique n’implique pas pour autant que nous allons connaître des températures tropicales. Il faudra donc continuer à chauffer en consommant le minimum...

Un épisode comme ce que nous venons de connaître a aussi un impact sur les cultures, les arbres fruitiers, un temps trop doux suivi d’une période de gel peut avoir de fortes conséquences sur certaines floraisons. (J’aurais pu parler de la nature en général, Monsieur le journaliste, mais comme vous voyez tout cela sous l’angle pécuniaire...).
Peut-être que le prix des fruits cette année bouffera tout ce que les bonnes gens ont économisé.
Peut-être que les tempêtes de ces derniers jours feront exploser leur prime d’assurances. (j’ai commencé à écrire sous le beau temps et maintenant, c’est tempête.)

Je vous imagine dans dix, vingt ou trente ans vous lamenter sur les pauvres gens qui souffrent des changements climatiques. Cela fera sans doute un papier tout venant, genre alimentaire. Mais peut-être vous rappellerez-vous votre article de 2007 et qui sait, vous regretterez de ne pas avoir conclu autrement, avec, par exemple, le conseil d’investir ce surplus dans des économies d’énergie

Parce que, Monsieur le Journaliste, non, nous ne nous affolons pas. Quoi que vous pensiez, nous sommes des pragmatiques qui savons et voulons penser à long terme. Le problème est là, à nos portes. Il faut s’y préparer. Le nier ne serait que nous préparer des lendemains qui déchantent. Et le coût sera autrement plus élevé que les six francs six sous que nous venons d’épargner. Allez, Monsieur le Journaliste, prenez une bonne résolution. L’année vient à peine de commencer. Il est encore temps. Arrêtez de dire des conneries. Le réchauffement climatique est un fait. Comment va-t-il s’exprimer ? Les opinions divergent, mais ce ne sera pas en tous les cas sans dégâts. Et surtout, si l’on ne fait rien pour l’atténuer. Alors, aidez-nous à le faire comprendre.

Je devrais quand même arrêter de jouer les censeurs.

(1) Aviation and the Belgian Climate Policy : Integration Options and Impacts
http://dev.ulb.ac.be/ceese/ABC_Impacts/abc_home.php

(2)Bart Van Craeynest, économiste chez KBC Asset Management, a évalué, dans le Tijd de ce jeudi, les gains que les consommateurs belges pourraient réaliser dans les douze prochains mois. « Si le prix du pétrole reste durant toute l’année autour de 50 dollars, la famille moyenne économisera au minimum 196 euros, estime-t-il. Mais le gain est sans doute plus élevé car ce chiffre ne tient pas compte de la facture électrique et gazière. Les prix de l’électricité et du gaz suivent ceux du pétrole avec un peu de retard », ajoute-t-il. (Cité dans un autre article).


Commentaires

par god save the Prins le Lundi 22/01/2007 à 16:21

Tout n'est pas perdu les gars: vous avez certainement lu comme moi, dans le "Métro" de ce matin que le Prince Charles "a annulé ses vacances à Klosters, en Suisse, où il se rendait chaque année pour skier. L'héritier de la couronne d'Angleterre a pris cette décision pour préserver l'environnement. ...(il) renonce ainsi a un vol d'une heure et quart vers la Suisse." ;-)

Petit bémol: il ne l'aurait fait que pour répondre aux critiques d'écologistes qui "l'ont accusé d'hypocrisie : le prince Charles avait prévu de se rendre aux Etats-Unis en avion avec une délégation de 20 personnes pour recevoir un prix pour ...l'environnement." :-(


Lien croisé par Anonyme le Dimanche 18/03/2007 à 22:33

TBBW - Quant on fait des économies de mazout ... on dépense en Kérozène ... : " écrit jeudi Het Laatste Nieuws.  La douceur de l'hiver est à l'origine de cette augmentation spectaculaire des réservations pour les vacances de Pâques, selon le spécialiste du secteur touristique. "Les Belges ont fait des économies de chauffage et cet argentpeut dès lors être investi dans un séjour d'une ou deux semaines de vacances".Allez relire Penser plus loin que le bout de son ticket de caisse "