Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose !
Francis Bacon.
Je lisais dernièrement dans les pages de la Libre 2 que je récupère chez mes parents et que je recycle pendant mes repas, un article sur la « Deep ecology ». (1) La plume du directeur d’un institut paneuropéen, naguère encore atlantiste, prenait prétexte de l’attitude des écologistes les plus extrémistes pour tailler des croupières à la théorie du réchauffement entre autres chevaux. J’ai déjà dans de précédentes chroniques cherché des crosses à ce pauvre garçon qui confond climatologie (2) et météorologie (3). Mais je ne vais pas faire son procès chaque fois... Je n’ai pas envie de me trouver une tête de Turc. Quoi que ce soit toujours un bon prétexte pour revenir sur le sujet... Et puis non, mon dernier texte traitait déjà de cela... J’avais donc arrêté d’écrire.
Mais bon, il y eut ce week-end un dîner de famille. Méfiez des dîners de familles... ce que racontent la tante Aimée ou le cousin Charles, cela peut vous pourrir le dimanche et plomber l’ambiance... L’expression très humaniste qui dit que « comme la terre survivra au genre humain, autant en profiter tant que l’on peut »... Entre mon cousin Charles, ma tante Aimée et le directeur d’un institut paneuropéen, il y a comme qui dirait une alliance objective de ceux qui ne veulent surtout rien changer. Alors comme complément de catharsis aux semis de tomates, j’ai continué cette chronique.
Il serait donc politiquement incorrect de considérer que « l’homme est (ou peut être) une nuisance pour la nature ». Le dire me rapprocherait des tenants de cette « deep-ecology », doctrine apparentée selon l’auteur aux idéologies totalitaires, comme le communisme ou le national-socialisme, sans avoir l’alibi des propositions concrètes de ces dernières. (En gros, si j’ai bien compris sa pensée, la deep-ecology, c’est fascisme et Cie, mais sans projet de société). Je ne sais pas si les citoyens qui m’entourent sont tous des écologistes ou des débiles profonds, mais beaucoup d’entre eux reconnaissent leurs responsabilités dans la mauvaise marche de notre terre. Cela n’en fait pas pour autant des disciples de Pol Pot. (4)
Est-il indécent de considérer l’homme comme le plus grand prédateur de notre terre ? Certes, les criquets pèlerins sont responsables de la destruction de bien des cultures et les pets des vaches participent activement à l’augmentation de l’effet de serre (mais là, c’est surtout parce que nous pratiquons l’élevage intensif). Mais nous devons reconnaître que l’homme commet beaucoup plus de dégâts, des plus visibles, comme des poubelles aux bords des routes du Brabant wallon ou des marées noires, voire plus insidieux comme le CO de l’hélicoptère d’un ministre parti voir le film gore d’Al à Hasselt(5). Faut-il en passer par l’élimination totale de l’humain ou par sa limitation ? Se fera-t-elle d’elle-même ? C’est ce que prétendait mon cousin Charles (caressant en même temps du regard son nouveau cabriolet), justifiant ainsi son inaction. Il lui semblait inutile d’avoir une meilleure conscience de l’impact de nos actes et de les adapter en conséquence. Profitons de cette chienne de vie déjà si difficile. S’il faut en plus se faire du souci pour les générations futures... continuait ma Tante Aimée malgré toute sa smala.
Ce qui est intéressant également dans l’article précité et qui nous rapproche de ma dernière chronique « Un parfum d’ancien régime » (6) est ce besoin de défendre à tous crins l’économie de marché et la mondialisation « contre le réchauffement », à croire qu’elles sont encore plus sensibles à la fonte que la banquise polaire. Il faut les défendre puisqu’elles seules ont permis aux Chinois et aux Indiens de ne pas mourir de faim. Par petites touches, par petites piques ou à coup d’obusier, l’auteur sème le doute et la peur en rapprochant mensonge climatique, dictature écologique et génocide potentiel. Il est finalement pathétique de voir les moyens utilisés pour protéger un système culturel d’un système naturel... en soulignant la bonne volonté des écologistes doux pour mieux détruire le principe général de la défense de la planète ou en osant un « L’économie des ressources, la gestion de la rareté (relative) ne sont-elles d’ailleurs pas la définition même de l’économie de marché ? » où l’expression « rareté relative » a toute son importance. Par un bout ou par un autre, l’un, directeur d’institut, et les autres, cousin ou tante, disent, platement ou plus intellectuellement, qu’ils ne veulent rien changer à ce système, par conviction de sa justesse ou par égoïsme de son profit, voire les deux.
Mais foin (bio) de ces opinions si peu sacrées et ressuçons donc ce que j’avais écrit il y a peu : « Si ce système économique est si parfait, il s’en sortira indemne », mais en se rappelant les propos d’Hubert Reeves « Des menaces pèsent non pas sur la vie sur la Terre - car la vie va continuer, elle est très robuste - mais sur une espèce particulière qui n’est pas très robuste et qui est l’espèce humaine » (ce qu’en quoi il est d’accord avec mon cousin Charles, mais cela doit être le seul point de convergence).
Lisez donc cet article « Pour la "deep ecology”, l’homme est une nuisance pour la nature » et faites-vous votre opinion ou simplement peur.
(1) http://www.lalibre.be/article.phtml?id=11&subid=118&art_id=331231
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Climatologie
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9t%C3%A9orologie
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Pol_Pot
(5) http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=90&art_id=336410
(6) http://humeur.tropdebruit.be/news/un-parfum-d-ancien-regime
(7) http://tropdebruit.be/news/une-espece-menacee-parmi-d-autres
Oui, l'homme est un prédateur dans la nature, comme il l'est dans la société de ses semblables, pour lui-même, parfois dans lui-même. Mieux vaut ne pas l'oublier.
Mais il a inventé le feu et rendu possible les Lumières. Et inventé l'espérance. Et la bonne volonté qui la rend possible. Et la raison.
Les mesures à prendre pour corriger nos folies anti-écologiques rendront nécessaire la modification de beaucoup de nos comportements de consommation ou de production. En trop grand nombre pour que l'élan donné par un Al Gore ou d'un Hulot y suffise. Après les élections, après la surmédiatisation, il y a le long terme et les péripéties de l'actualité qui créeront d'autres urgences.
Notre meilleure chance de sauver notre environnement, celui de nos enfants et des enfants des autres peuples, réside dans la consolidation du discours rationnel. Donc transparent, pour montrer où se trouve le point d'équilibre et rendre les erreurs visibles. Contre la connerie (des hommes), on n'a encore rien fait de mieux que l'intelligence (des hommes).
Plusieurs méthodes existent pour qu'assez de clarté soit possible. Susciter la peur du noir. L'injonction positive, ce n'est pas mal non plus. En fait l'une et l'autres se complètent sans doute. La seconde rendue possible par la première. Il y a un sens historique à l'intérieur de la pensée écologiste. D'abord stimuler le besoin de voir, d'allumer la lumière. Ensuite explorer, inventer les outils, agir en fonction du seul principe d'efficacité, chasser continuellement les porteurs d'ombre, se méfier des cyniques comme de la peste.
Il faut évidemment croire en l'évolution. C'est à dire, à l'échelle de l'homme, au progrès de la civilisation et au possible éloignement de la barbarie. Mais tout cela n'existait pas, serions nous là pour en parler ?
GvO