S'identifier - S'inscrire - Contact

Malraux a subi le sort de Darwin

• Lundi 28/01/2013 • Version imprimable

Une des dernières chroniques sur le mariage pour tous du Collectif a soulevé chez certains un certain embarras, voire plus. Comment pouvait-on se moquer du sentiment religieux ? Ni Calvin, ni Hobbes n’ont l’impression d’avoir été moqueur. Pourtant, certains membres du collectif auraient bien voulu l’être, goguenards, non pas tant pour moquer les croyances que pour railler les tartuffes ou les raccourcis primaires[i].

D’abord le ton du débat, ainsi que certains propos de personnes en principe responsables, comme ceux de l’archevêque de Lyon Philippe Barbarin [qui a affirmé que le mariage gay ouvrait la voie à la polygamie et à l’inceste] ou ceux du sénateur Serge Dassault, qui a estimé que l’homosexualité était la cause de la crise en Grèce[ii].

Loin de nous l’idée de dénier à chacun le droit à ses croyances,  mais elles ne peuvent servir de raisons à empêcher d’autres à accéder à certaines libertés, (si tant est que le mariage soit une liberté), d’obtenir des passe-droits, des avantages ou de freiner l’évolution de la société.

Quand certaines congrégations n’ont pas de place à Paris pour les sans-abris, mais peuvent soudainement trouver des lits pour des manifestants anti-mariage gay, nous pouvons légitimement chercher le sens du mot charité. Et ne parlons de l’église grecque qui se soustrait à l’impôt.

Quand les ultra-orthodoxes[iii] imposent, outre leur conception surannée de la mixité, leur goût pour la colonisation mais en exigeant que leurs enfants soient exemptés de service militaire, ils font payer l’impôt du sang, bien entendu aux Palestiniens, mais aussi à leurs concitoyens israéliens.

Quand les églises croates[iv] ou philippines recherchent l’interdiction de l’éducation sexuelle ou de la contraception, ont-elles une conscience du monde dans lequel elles vivent.

Quand des religions (et elles sont toutes concernées) placent les femmes en état d’infériorité, voire les mutilent[v], nous pouvons légitimement nous questionner sur leur humanité.

Quand elles sont toutes à réclamer la réintroduction du délit de blasphème, pourrions-nous leur rappeler que cela ne concerne que leurs ouailles ?

Et serions-nous dans l’exagération si nous considérerions les clercs de ces églises comme de grands susceptibles.

Sous la pression des temps nouveaux (séculiers, c’est-à-dire athées, sans dieu), les croyants, ou plutôt, encore une fois, ceux qui s’expriment en leur nom, ont inventé le “dialogue interreligieux”. L’association de ces deux termes devrait séduire toute personne respectable et cultivée qui traite de religion dans les colonnes d’un magazine. Il est pourtant difficile de concevoir quelque chose de plus creux que ces tables rondes réunissant un métropolite, un mufti et un rabbin. Assis sous la bannière du dialogue interreligieux, ils se trouvent contraints de se réfréner afin de ne pas froisser la susceptibilité de leurs voisins. Il ne s’agit pas d’une rencontre authentique. Si c’était le cas, si le langage était vraiment libéré, il y aurait forcément quelqu’un autour de la table qui se sentirait insulté et qui partirait en claquant la porte.

Pourquoi ? Parce qu’un individu peut se taire, mais pas un croyant. Surtout s’il est question de la foi à travers le monde, de confession chrétienne ou d’interprétation de l’islam. Avoir une religion, c’est soit se sentir élu et se couper du monde, qui est forcément plus mauvais, soit savoir comment ce monde devrait vivre et tenter de le corriger[vi].

Malraux n’aurait pas dit le XXIème siècle serait religieux mais aurait plutôt conclu au « problème religieux[vii] ». Nous n’avons rien contre la spiritualité au collectif «  ». Nous nous considérons même unilatéralement comme spirituels. Ce ne sont pas (toujours) les croyances qui sont un problème, mais leur usage abusif pour en faire des instruments de pouvoir ou de régression sociale ou intellectuelle.
 
Le collectif «  »