Dans un village brabançon, des irréductibles s’opposent à la création de logements à loyers modérés.
Tous les arguments ont été avancés.
Le premier, le plus important, le plus galvaudé, le moins bien compris : la préservation de la ruralité. Effectivement, le lotissement trouvera sa place sur un champ encore cultivé enchâssé entre des maisons. Manque de bol, il est en zone rouge. Tous les plaignants accepteraient-ils de ne pas pouvoir bâtir sur leur terrain constructible ?
Plus sérieusement, le premier champ est à 50 m à vol d’oiseau. Non, l’argument de la ruralité est maintenant avancé par des gens qui ne connaissent plus que de loin le monde rural ou en tous les cas, n’en sont plus des piliers ou des amateurs.
Le second est le côté bon marché des constructions. Accepteraient-ils, nos pauvres plaignants, qu’on les ponctionne encore plus pour construire des maisons avec du marbre et des chiottes en or. Allons, sérieusement, des habitations à loyers modérés ne bénéficient par essence des budgets les plus importants. Avec cette enveloppe, il faut créer des logements convenables, énergétiquement et socialement parlant.
Le troisième est l’emplacement et l’implantation. Ghetto trop haut. Ghetto par rapport à quoi ? Trop haut par rapport à qui ? Mais le ghetto fait peur et la hauteur touche à l’ego. Pratiquement, ce sont des bâtiments classiques à trois niveaux, le dernier sous combles ; d’autres édifices y ressemblent dans le voisinage. En termes de ghetto, cette commune brabançonne n’y échappe pas, mais ce sont souvent des ghettos de riches, des quartiers, voire des villages entiers où la mixité sociale disparaît, parallèlement à la convivialité.
Le quatrième et non des moindres est l’inesthétisme du projet. Des goûts et des couleurs, nous ne discuterons… pas trop. Mais un escalier métallique peut-être beau et les fermettes brabançonnes moches. De toute façon, cela ne déparera pas avec le reste, clôtures de béton, maisons d’alignement, villa décatie ou fausse fermette.
Le cinquième est la durabilité. Elles ne dureront pas plus de 50 ans, prédisent nos riverains. Et alors, il faut du roulement. Hein, quand le bâtiment va, tout va. De toute façon, toutes les maisons aux alentours pourraient être abattues, elles qui ne correspondent plus aux standards énergétiques actuels.
Le sixième est la mobilité. Tant de voitures à l’heure, tant de bruit. Ce n’est pas faux, tant que l’on roule en voiture. Pour combien de temps de la manière actuelle ?
Le septième argument, le septième archange de l’apocalypse, la septième tête du monstre, le septième péché capital, le septième jour où dieu se reposa, avancé par les bien-pensants est qu’ils ne veulent pas de HLM chez eux. En fait, ils ne veulent pas de pauvres. Les pauvres, cela salit, cela braille, cela crie, cela peut même être étranger. D’abord, ne confondons pas HLM et HLM. Celui qui a vécu dans les barres de béton des périphéries françaises n’appellerait pas ces maisons des HLM. Hobbes peut en témoigner.
Ensuite, qu’il puisse exister des soucis est possible, mais cela n’est pas propre à ces quartiers. Voyez le nombre de bons bourgeois qui s’engueulent par juge interposé pour des piscines.
Et puis, tout le monde, même chez les plus aisés, aura besoin pour lui-même ou pour un proche, de bénéficier de la solidarité d’autrui.
Que des projets de lotissements, sociaux ou non, méritent d’être étudiés, voire critiqués est une évidence. Mais que cela soit pour les bonnes raisons, à travers une lunette empathique.
Le collectif Calvin & Hobbes