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Le bien-être collectif

• Jeudi 12/07/2012 • Version imprimable

ne savaient pas très bien sur quel sujet allait porter leur chronique hebdomadaire : les automobilistes ou l’électricité. Les deux peut-être ? 

Une chose qu’ils ont en commun : un certain rapport au bien être collectif.

Nous pourrions croire que les routes, les autoroutes, les lignes à haute tension, les centrales électriques, fussent-elles nucléaires, sont là pour satisfaire un bien être collectif. Effectivement, in fine, elles contribuent pour partie à son amélioration.

Mais ne contribuent-elles pas non plus à sa destruction ?

Ainsi,  l’automobiliste, l’usager motorisé,  s’arrogent une partie du domaine public pour leur usage personnel. Cet usage serait modéré et respectueux qu’il serait une conséquence « acceptable » de notre culture de la mobilité. Mais le fait est que cet usager ne supporte souvent aucune entrave et que seule la force publique parvient encore à le dompter. On ne compte pas les voitures (ou les motos) roulant dangereusement, les voitures qui se parquent sur les trottoirs ou les pistes cyclables, les comportements agressifs.

Le vandalisme à l’égard des outils de contrôle est devenu réalité quotidienne. On ne compte pas le nombre de boitiers radars tagués. Dernièrement, dans un petit village brabançon, un individu s’est attaqué, à la masse, à un dispositif ralentisseur de trafic.

A lire sur les forums des journaux, ces actions sont des œuvres pour la défense des libertés individuelles. Connerie, selon notre Calvin. Si, pour ces individus, la liberté consiste uniquement à p(ét)arader avec son véhicule, c’est qu’ils doivent avoir respiré trop de gaz d’échappement.

Cet usager, par ses exigences (Je ne VEUX pas être OBLIGE d'emprunter un autre moyen de transport que celui de ma liberté de choix[1]) et ses appétits, pousse à une inflation des dispositifs de tous ordres : nouvelles routes, nouveaux parkings, nouveaux outils de dissuasion ou de répression, payés collectivement. Pourtant, il n’est pas certains que ces investissements soient rentables à moyen terme. La hausse du trafic[2] et/ou des carburants auront raison du slogan : la voiture est ma liberté. 

[Par ailleurs, il reste important de souligner le rôle du transport routier dans ce processus. Les camions sont les premiers destructeurs du réseau. Ils sont également responsables d’un fort pourcentage des émissions. Leur fonction de stockage sur roues a eu un impact négatif semble-t-il non négligeable sur l’emploi. [3]]

Quel est le lien entre l’énergie et l’électricité en particulier ? Déjà que la voiture est une grande pompeuse de pétrole. C’est encore sur le plan du bien-être collectif, estime notre Hobbes, que l’on peut faire un parallèle. Nous avons tous besoin d’énergie, pour se chauffer, cuisiner, produire. Mais ce sont encore nos exigences qui poussent à l’inflation de dispositifs producteurs d’énergie. Leur choix, leur réalisation, leur construction, leur mise en place se font sans réellement débat démocratique, ni parfois simples respects des règles juridiques[4].

Le recours à l’énergie nucléaire, aussi pertinent pourrait-il être, en est un parfait exemple. Des lobbies puissants, tel le forum nucléaire, enfument l’esprit des décideurs et des citoyens. Des opérateurs économiques se révèlent sans scrupule, comme Tepco au Japon, et comme Electrabel chez nous.

Au nom de l’économie et du profit, les réflexions sur la sécurité restent insuffisantes.

Avec franchise, André-Claude Lacoste (patron de l’Agence de la sécurité nucléaire française) a reconnu un point «intellectuellement embarrassant: les incertitudes qui subsistent sur l'accident de Fukushima Daï-ichi interdisent d'en tirer des conclusions définitives pour l'instant.»

Ces incertitudes tiennent par exemple aux rôles respectifs du séisme et du tsunami dans la destruction des réacteurs. Mais aussi, fondamentalement, aux deux lectures possibles de la cause profonde de l'accident: l'amplitude du tsunami était-elle ou non prévisible compte tenu des connaissances scientifiques ? [...]Dans un tel cas de dissensus entre scientifiques, comment doit se prendre la décision des autorités politiques et de sûreté ? Faut-il privilégier le point de vue le plus pessimiste, dès lors qu'il est exprimé dans un cadre scientifique standard, ce qui était le cas ? Il est certain que le système japonais, tant du côté des responsables politiques que du côté de l'autorité de sûreté et de l'industriel TEPCo, a clairement choisi d'ignorer des signaux d'alertes que le tsunami de 2004 dans l'océan Indien aurait dû pourtant raviver[5].

Par contre, les pressions pour moins de sécurité sont bien présentes.

Le Président de l'ASN ne s'est pas privé de rappeler que peu avant l'accident japonais, il avait fait face à de vives critiques de l'industrie nucléaire, en particulier d'EDF même s'il ne l'a pas précisé, qui lui reprochait de vouloir "trop" de rigueur et de sûreté, tant pour l'exploitation des réacteurs existants que pour la construction de nouveaux, une rigueur qui, lui reprochait-on, gênait également l'activité à l'exportation.

En sommes-nous responsables ? Pour une grande partie, dans la mesure où ce sont nos exigences qui permettent à ces structures, ces pratiques d’émerger.

Changeons déjà ne fut-ce qu’un peu nos manières de penser et de vivre, et cela ne sera pas sans conséquence sur le reste.

Le collectif «  ».
 


[1] Lu sur un forum

[3] Voir entre autres, De l’autoroute publique aux péages privés : Amorcée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, puis généralisée par celui de M. Dominique de Villepin, la privatisation des autoroutes illustre le capitalisme de connivence à la française. L’Etat impose le système coûteux du péage, assume l’essentiel des risques, puis organise la captation de la rente par les grands groupes. http://www.monde-diplomatique.fr/2012/07/DESCAMPS/47973

[4] Voir par exemple cet article du Canard enchainé, Normandie : un été sous haute tension

Extrait : Pylône 227. Vision ubuesque; des gendarmes munis de longues-vues montent la garde au sommet du château d'eau du Chefresne. Loué par la municipalité aux opposants, ce bâtiment désaffecté leur servait de QG jusqu'à ce que, le 20 juin, Adolphe Colrat, préfet de la Manche, prenne un arrêté d'expulsion, prétextant des raisons de sécurité ". A 5 heures du matin, les gendarmes défoncent la porte à coups de bélier et chassent les occupants. Subtilité : l'arrêté devant être affiché en mairie avant l'expulsion, les gendarmes avaient pris soin d'aller casser la vitrine municipale au milieu de la nuit pour y glisser le document.