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Le lendemain de la veille

• Samedi 10/11/2007 • Version imprimable

Jeudi 8 novembre

Je me mettrai au milieu et j’arroserai les deux camps au mortier, fait dire James Crumley à son héros dans « La danse de l’ours »

Après une rage de dents qui m’a déconcentré pendant plusieurs jours, je m’étais remis à penser à la suite de ma chronique « Allez savoir », mais ce ne sera pas pour cette fois. Moi qui à la maison commence une phrase en français et la finit en néerlandais et vice versa, pouvais-je me taire sur ce 7 novembre 2007 que d’aucuns considèrent déjà comme historique. Une date que l’on retrouvera dans les encyclopédies entre la découverte de « 2004 VD17 » (1), la naissance d’un humoriste has been et celle de Léon Trotski. La date d’un changement fondamental pour notre petit royaume ?

Halte-là ! Que l’on arrête de nous prendre pour des c..., même si nous le sommes.

Mauvaise pièce ?

Qu’un habitant flamand de Wemmel, au demeurant brave garçon, se lasse de n’avoir jamais un bonjour dans sa langue, n’est-ce pas compréhensible ? Qu’un habitant francophone de Wezembeek se sente humilié d’être pris pour un étranger dans son propre pays, n’est-ce pas un peu normal ? Mais oui, ils ont tous raison. Mais fallait-il en arriver à cela, à cette confrontation ? Puisque chacun savait que cela ne servirait à rien. Ha, mais non, il fallait soigner le suspens, permettre le rebond, permettre aux uns de dire « nous l’avons fait » et aux autres « c’est indigne » et trouver une excuse pour ranger les sujets qui fâchent.

Diviser le Bazar de l’Hotel de Ville ou ne pas le diviser, est-ce vraiment la question ? « Mais oui », disait une brave dame de Londerzeel « et pourquoi ? » demandait-on « Je ne sais pas, mais si les politiques disent que c’est bien, c’est que cela doit l’être ». Quelle confiance dans son député. BHV, l’opposition du droit du sol à celui des gens, un symbole comme tous les symboles, un peu vain, comme je l’écrivais dans une précédente chronique (2), inutile, parce que cela ne changera rien à la vie des Flamands (même si certains en profiteront un peu, parfois dans des domaines auxquels on ne s’attend pas : nouvel arrondissement dit nouveaux tribunaux et des places pour des magistrats unilingues, me racontait dernièrement un juge louvaniste.)

Mascarade se complait à dire la future opposition. Mais bien entendu que cela était « téléphoné ». A chacun maintenant de feindre ce qu’il croit devoir feindre. Fallait-il cet acte pour faire avancer les choses ? Les metteurs en scène politiques ont jugé que oui ? Fallait-il cette gifle, que je n’ai personnellement pas ressentie comme telle ? Se sentir blessé par une mauvaise pièce comique ? Comédie, tragicomédie, la dramaturgie politique est-elle un art ? Je devrais demander à mon hôte, Vincent Engel, s’il en connaît les ressorts.

Pendant la journée, mes collègues flamands, je suis le seul Wallon parmi eux, se sont tus, gentiment, un peu gênés parfois et ceux qui se sont exprimés ont déploré ce genre de stupidités. Plusieurs trouvaient que ce Bazar était incompréhensible, d’autres ont trouvé qu’il fallait une circonscription unique et que l’on vote pour qui l’on voulait à travers le pays. Ils ont aussi parlé d’amitié. Un seul a essayé l’humour agressif et affirmé qu’il fallait avoir scindé cela pour la semaine prochaine, mais comme ses collègues ne l’aiment pas tant qu’il croit, je lui ai dit « Pas de problème, nous resterons ici et tu n’auras qu’à te trouver une autre place ». Certes, tous ne m’aiment pas, mais bon... est-ce le Wallon ou la grande gueule ?

Que de fantasmes, de réalités tronquées, de perceptions, d’idées, de faits avérés, que de références historiques et autant d’oublis, que de conneries et de sagesse font la vie de ce peuple belge, un pays où les zinnekes ne sont pas que de Bruxelles ! Mais si le peuple est comptable de ses dirigeants, ceux-ci sont comptables de la bonne marche des affaires de l’État. S’ils tiennent à jouer les théâtreux à la Courteline qu’ils le fassent ailleurs, pour animer les kermesses aux boudins. Exit aussi les Bart aux excuses douteuses ou les nazillons à peine déguisés, pour que les autres, bien plus fréquentables qu’ils ne le pensent, arrêtent de courir après ces électeurs déboussolés. Exit les trublions de tous bords et les collés à leur strapontin.

Le courage politique aurait été de ne pas voter, disait Luc Van der Kelen, grand donneur de leçon... Le courage (y compris des éditorialistes) serait enfin de reconnaître que depuis des décennies ont dit plus de bêtises que de choses intelligentes sur l’autre communauté. Que schaatje vaut bien trésor et l’inverse aussi. Que l’argent, ça va, ça vient. Que bien des choses sont plus préoccupantes qu’un coq et un lion et que si l’histoire donne des excuses, elles sont souvent utilisées par des c...

N’avez-vous rien vu hier sur les réfugiés climatiques du delta du Gange ? Saviez-vous que l’on a lâché dans l’atmosphère en Belgique en 2007, dans 128 166 000 tonnes de CO² ? Et que l’on parle de 18.000 enfants qui meurent chaque jour ? Vous rendez-vous compte que de nombreuses personnes ne pourront bientôt plus payer leur facture énergétique ? Que le prix des produits finis augmente, mais que personne ne s’en soucie ? Que la commission européenne nous prépare des campagnes OGM ?

Il est temps de préparer l’avenir, et l’avenir, ce ne sont pas les élections de 2009, l’avenir, ce ne sont pas uniquement la « Goed (of geen) bestuur » les pensions et la croissance des entreprises. Mais pour cela, nous devons tous faire un grand effort. Je crains cependant que ceux dont le fonds de commerce est la revendication communautaire, la peur de tout ou l’avidité jugent ces premiers produits plus faciles à vendre que les grands changements et que leurs affidés sont peut-être trop endoctrinés pour changer de crémeries.

Certains diront que c’est encore un discours antipolitique. Ils se trompent de combat. Certains diront qu’ils sont tous pourris. Ils font la même erreur. J’en profite pour applaudir l’abstention courageuse de Tinne Van der Straeten, députée Groen, Groen qui forme avec Ecolo le seul groupe bilingue. Je salue également le bourgmestre SP-A de Saint-Trond qui regrette son vote et qui pour se rattraper se lancerait dans des jumelages wallons-flamands.

Et pour ceux qui voudraient le savoir, je ne suis ni belgicain, ni séparatiste. Je ne suis certainement pas rattachiste non plus, ni indépendantiste, quoiqu’une présipauté libre du haut de Pecrot et de l’arrière Nethen pourrait me séduire.

Denis MARION

(1) 7/11/2007 : Découverte d’un astéroïde, baptisé 2004 VD17, mesurant 500 mètres de long et pesant un milliard de tonnes, susceptible d’entrer en collision avec la Terre au début du siècle prochain (le 4 mai 2102, d’après les calculs des scientifiques), en provoquant des destructions massives. Son impact déchaînerait 10 000 mégatonnes d’énergie, soit l’équivalent de l’explosion de toutes les armes nucléaires de la planète. Les scientifiques ont toutefois calculé que ce rique était faible, de l’ordre d’un sur mille.

(2) http://humeur.tropdebruit.be/news/des-frites-de-la-biere-et-le-manneken-pis-tentative-de-comprehension-du-fait-belge