« Un lecteur de la rue Aviateur Huens a reçu deux P.-V. Il estime l’appareil « mal placé ou pas suffisamment indiqué pour faire de la répression loyale ou encore la vitesse n’est pas adaptée à cet endroit qui est en fait une route. » Il dénonce aussi les « 200 euros par infraction. » « Révoltant surtout en période de crise.» Chacun appréciera. »
pouvait-on lire dans un article du Soir intitulé « Un radar royal à l’avenue Royale »[1]
L’argumentation « foireuse » d’un citoyen inconvenant, mais point unique en son genre… Errare humanum est, perseverare diabolicum. Diabolique serait même trop d’honneur, con suffirait simplement. Un panneau d’agglomération, un d’avertissement, un panneau lumineux d’annonce précèdent le couperet fatidique. Le petit oiseau va sortir, un sourire au policier et il remet ça.
Ce monsieur, qui roulait allègrement à 75km/h[2] en agglomération, n’a pas d’excuse. 25 km/h en plus de la limite, un compteur qui devait marquer 80 km/h, cela se remarque.
J’imagine qu’il ne comprendrait pas si dans sa grande surface préférée, on plaçait des panneaux rappelant l’interdiction de partir sans payer. Il se pose, comme des milliers de chauffeurs, comme une victime de la rage taxatoire[3], comme une victime de la répression quand bien même une « vitesse maximale tolérée [...] portée à 60 km/h, ce qui correspond à du 64 km/h au compteur [4]» lui est autorisée.
Il ne lui viendrait bien entendu pas à l’idée qu’il commet un délit, un vol, un hold-up sur la sécurité d’autrui. Une limite de vitesse à 50 km/h, parfois encore excessive dans certaines rues, n’a pas été édictée dans le seul but d’engranger des amendes ou de frustrer des mous du cerveau. Elle a, dans la majorité des cas, ambition de diminuer les accidents.
Il lui viendrait encore moins à l’idée qu’il influence négativement le confort de vie des riverains de la route qu’il emprunte. En effet, une différence de 25 km/h a une conséquence directe sur le niveau de bruit.
Surtout, ne le traitons pas de voleur du bien commun. Il se vexerait d’être comparé à un voleur à l’étalage ou à un mandataire politique véreux. Pourtant, le voleur à l’étalage pratique peut-être son art pour satisfaire un besoin primaire qu’est la nourriture, alors que notre conducteur, primaire, ne satisfait que son besoin d’étalage. Et quand je parle d’appropriation de biens publics, je ne parle encore que de la sécurité et de la tranquillité. J’élude pollution et éthique économique.
A propos d’éthique économique, si notre automobiliste, qui se plaint de la crise, a chaussé son bolide de pneus Michelin, il contribue au malheur de 20.000 Nigérians[5] que le fabricant de pneumatiques vient de priver de leurs terres, situées en plus en zone naturelle protégée, en échange de 500 emplois et d’une aumône. Comme témoignait une villageoise « Je ne veux pas d’argent. Je veux qu’on me rende ma terre… Si on me donne aujourd’hui un million de nairas[6], je serai quand même fauchée, mais si j’ai ma terre, je peux toujours la cultiver pour nourrir ma famille et peut-être la transmettre à mes enfants. »[7]
Allons, soyons cruel avec notre mou du cerveau. Croyons en plus qu’il est adepte du principe que nous, bons Belges, nous ne pouvons pas gérer toute la misère du monde. S’il abandonne ses Michelin Pilot Sport Cup+, il y aurait moins de Nigérians miséreux, il aura donc apporté sa pierre à l’édifice.
Et puis pour ceux qui jugent qu’ils sont les vaches à lait de l’état, que la route est à eux, je les invite à consulter la brochure iconoclaste rédigée par Pierre Courbe d’Inter-Environnement Wallonie « taxer plus & taxer mieux[8] » dont voici un extrait :
« Selon les chiffres de la Fédération belge de l’industrie automobile et du cycle (FEBIAC), en 2007, les recettes liées à l’utilisation de véhicules perçues par l’Etat fédéral et les Régions se sont élevées à 12 milliards 285 millions d’euros. Ce calcul prend en compte : les accises sur les carburants ; la taxe compensatoire des accises ; la TVA sur les carburants, ventes, entretiens, pièces et accessoires ; les taxes et redevances obligatoires sur les primes d’assurance ; la taxe de mise en circulation et la taxe de circulation ; la taxe autoradio ; les droits de douanes ; les amendes ; le contrôle technique ; le permis de conduire ; la cotisation de solidarité pour les voitures de société et diverses rentrées mineures. Difficile d’être plus exhaustif… De son côté, l’Agence européenne de l’environnement (AEE) mentionne que les coûts externes de la voiture en Belgique s’élevaient à 108 euros pour 1.000 personnes/kilomètres (p.km) en 1995, soit, compte-tenu de l’inflation, 135 euros/1.000 pers.km en 2007. Cette année là, 112,45 milliards de p.km ont été roulés par des voitures sur nos routes. Cela représente donc 15 milliards 181 millions d’euros de coûts externes (coûts d’infrastructures compris), soit 2 milliards 896 millions d’euros (ou 23,5%) de plus que les recettes de l’Etat… La Section « Fiscalité et parafiscalité » du Conseil supérieur des finances confirme cette analyse : « Dans ces conditions [domination de la route], il n’y a rien d’étonnant à ce que les coûts externes du transport soient importants. Ils sont supérieurs à la fiscalité sur le transport, même dans une acception large de celle-ci (TVA incluse) et dans une acception étroite des coûts externes (hors accidents) ».
Alors, pour rester dans le bestiaire, nous sommes moins des vaches à lait, des cochons de payant que des paons orgueilleux aux cris stupides.
Denis MARION.
[4] Voir 1.
[5] Michelin invades Iguobazuwa High Forest , bulldozes prime forest.
80% of indigenous people are forest dependent.
Community dispossessed of farmlands.
Pressure mounts as multinational Michelin compels community representatives to sign
Memorandum of Understanding without clear understanding.
[6] moins de 5000 €
[7] Fabrice Nicolo « Michelin fait pousser des arbres à pneus » CH 918