« Tant que les couches souterraines sont tranquilles, l’homme politique peut marcher. »
Victor Hugo, Quatrevingt treize.
Chut, ne pas faire de vague. Silence. Aucun bruit… Il ne faut raconter nulle part que le nombre de plaintes liées au survol par les avions de Zaventem a explosé… C’est une bombe. Plus de 450.000 plaintes.
« Je ne veux pas de ça, Monsieur le Médiateur fédéral. Nous n’allons quand même pas mettre cela en avant à quelques semaines des élections. Certes, mes électeurs ne sont pas de BHV, de Louvain ou du Brabant wallon, mais quand même, cela la fout mal. Je n’ai rien foutu de bon pendant ces quatre ans dans ce dossier, mais il ne faut pas quand même le raconter sur tous les toits. Cela a coûté des fortunes de payer des porteurs de robe, des jacteurs de conseils, des experts en pirouette pour avoir une vingtaine de procès perdus à mes basques. Enfin, la facture n’est pas pour moi, mais ce n’est quand même pas une plume à mon chapeau. Mazette, 450.000 plaintes en quatre mois et une rawette. J’aurais dû refiler ce dossier à Laurette ou à Didier. Ils auraient dû me le retirer comme ils ont fait avec Isabelle. Je préfère les choses terre-à-terre comme la sécurité routière. » Propos fictifs tenus par un sinistre de l’immobilité.
450.000 plaintes, ce n’est pas rien. Tout cela pour ne pas décevoir un membre de son parti. Parce que lui, les avions, cela ne l’intéressent pas. Il y a des fidélités qui coûtent cher… surtout aux victimes. 450.000 plaintes, ce n’est pas rien. Cela ne se range pas au dessus d’une étagère entre le « mémento des bonnes pratiques politiques » et le « Parfait secrétaire des promesses électorales ». Une vingtaine de jugements défavorables, cela ne se dissimule pas comme de mauvaises pratiques à Charleroi, pendant des années. Une vingtaine de jugements défavorables, cela ne se range pas dans une caisse, comme des tracts de sa première campagne depuis longtemps oubliée.
Apparemment, si ! De l’espoir ? On peut rêver.
Depuis quelques jours, certains candidats aux élections fédérales sont interrogés, par un consortium d’associations, sur leur position et celle de leur parti. (1) Des débats contradictoires seront même organisés. (2) Certains essayeront de se donner une image positive, défenseur d’un silence virginal, ou, à tout le moins, à qui il faut rendre son pucelage. Beaucoup essayeront dans les jours à venir de s’acheter une conduite. Ils essayeront de nous convaincre que leur parti a toujours été à la pointe du combat, que leurs chefs sont prêts à entendre nos arguments. Certains devront faire d’énormes efforts pour nous faire accroire à leur conversion. Ainsi, pas plus tard qu’à un colloque organisé aux Communautés Européennes sur ce difficile sujet, je me suis fait photographié, comme ça, au débotté, sans raison apparente, avec un candidat à ces élections fédérales. Un de ses coreligionnaires avait dans sa poche un appareil photo. Par hasard. J’imagine la légende de la photo : « Mr X en compagnie du porte-parole d’un groupement de riverains. » Histoire de s’approprier de la légitimité à bon marché. (3) D’autres sont dans le dossier depuis si longtemps que leur bonne foi ne peut être mise en doute, mais sauront-ils être assez présents pour infléchir la route de la machine sans pilote « Zaventem ».
Quinze questions seront donc posées à ces candidats, sur le dossier en particulier ou sur le transport aérien en général. Quinze questions pour déterminer un profil de risque. Parce qu’au-delà du dossier environnemental que représente Zaventem, (un aéroport est une industrie (polluante) comme une autre), c’est toute la question de la gestion de nos déplacements, intégrée dans une lutte, tant contre le réchauffement climatique que contre les autres pollutions. Je suis curieux du nombre de réponses et leur contenu… S’affranchiront-ils de la ligne de leur parti ? Langue de bois, langue de vipère ou paroles sincères ?
Pendant ce temps, les associations se réunissent, se concertent. Ces dernières semaines, j’ai participé à un nombre important de forums où se retrouvaient parfois des frères ennemis, mais qui au moins se parlaient. Tous sont d’accord que l’expansion à tout crin de la plateforme de Zaventem est un non-sens. Tous sont bien conscients de l’accumulation de fautes politiques depuis les années quatre-vingt, mais que le mouvement s’est accéléré ces dernières années. Tous sont convaincus que la privatisation de la société gestionnaire de l’aéroport a été une erreur (et surtout la vendre à un rejeton de paradis fiscal) et qu’elle ne permet pas de gérer efficacement et environnementalement cet aéroport. Les associations savent tout cela. Elles espèrent que d’autres citoyens l’apprendront aussi. Elles espèrent surtout que le politique joue son rôle, sans se cacher derrière le paravent de l’emploi ou d’une vente bradée (et brocardée) ou de toute autre excuse.
Non, Mr Landuyt. Il ne sert à rien de ranger les 450.000 plaintes du Médiateur fédéral dans un placard. Vos cadavres ne sont pas exquis, mais ils semblent surréalistes. Fait-on de même pour la Poste ou le SNCB ? La politique de l’autruche ne vous met en position favorable.
Oui, Mesdames et Messieurs les Candidats, ce dossier n’est pas simple. Mais il a été surtout compliqué, opacifié, communautarisé par certains. Les associations ont une bonne vue du problème. Elles passent au-dessus de la frontière linguistique et trouvent des solutions en commun. Parce qu’elles s’en foutent de l’électoralisme, elles font de la politique dans son sens noble. (Comme heureusement encore pas mal d’élus).
Encore une bonne vingtaine de jours avant d’aller voter.
(1) http://election.tropdebruit.be/(2) http://tropdebruit.be/news/03-06-2007-soiree-d-information-de-l-ubcna
(3) Pour être de bonne foi, le candidat en question était quelqu’un actif dans ce dossier, mais la démarche de son coreligionnaire était « amusante ».
Si après les élections le nouveau gouvernement ne fait rien, les riverains porteront un sens civique à leur droit, en devenant inciviques !