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Des frites, de la bière et le Manneken-Pis: tentative de compréhension du fait belge.

• Samedi 04/08/2007 • Version imprimable

Quel est donc ce pays étrange ?
Dans l'entre-deux-guerres, mon arrière-grand-père s'en prenait à ma grand-mère parce qu'elle parlait en français à ses enfants. N'aurait-elle pas pu leur causer wallon ? A l'école, le "jacteur " de dialecte pouvait être puni pour quelques mots. Le français n'était-il pas la langue des ambassades, des aristos et des bourgeois. Le " Chagrin des Belges " aurait pu être de Wallonie autant que de Flandre. Pourquoi n'avions-nous pas choisi le bilinguisme ? On me dira que Bovesse avait ses raisons pour le refuser en 1930. Mais entre avoir ses raisons et avoir raison, il y a plus qu'un article possessif.

Quel est donc ce pays étrange ?
Le problème jugé le plus grave de ce pays a les initiales d'une grande surface parisienne : le Bazar de l'Hôtel de Ville. Quelles initiales prédestinées pour, effectivement, un bazar que certains voudraient scinder sans toujours savoir pourquoi (à en croire un ancien gouverneur de la Banque Nationale, à qui l'on prête ces mots " il faut scinder BHV, même si je ne sais pas pourquoi ".)

Quel est donc ce pays étrange ?
Pour certains, il est clair que la Flandre est une et indivise, parlant d'un sentiment commun fort, sans faille. Je ne suis ni sociologue, ni politologue, mais une enquête récente, financée par Swiss Life montrait que "… sept Limbourgeois sur dix associent l'âge de la retraite avec le fait de " profiter de la vie ". Par contre, près de quatre Anversois sur dix associent la retraite au fait de gagner moins d'argent….  " .  N'est-ce une vision si différente de la vie, entre deux provinces flamandes, pourtant si proche l'une de l'autre ?

Quel est donc ce pays étrange ?
Jules Destrée disait qu'il n'y avait plus de Belge.  Un intervenant, virulent, sur un forum de discussion se demandait ce que ce peuple avait en commun et refusait que l'on prenne comme exemple, la bière, les frites ou Manneken-Pis. C'est peut-être cela les Belges, un peuple qui ne se réfère pas à une Marianne, une révolution, un empire, prêt à chanter l'hymne du voisin parce qu'il l'entend plus souvent et plus enclin à promouvoir les choses simples que les envolées lyriques et compliquées, un peuple que l'on veut réduire à deux ou trois communautés, alors qu'il est avant tout de Liège, d'Antwerpen, d'Hasselt, de Namur, de Bruxelles…  Pays de villes, de bières (deux fois bues), de fromages (qui parfois puent), de vacances à la côte (flamande) ou en Ardenne (wallonne)

Quel est donc ce pays étrange ?
Les plus rabiques communautaristes portent souvent un patronyme originaire de l'autre communauté, comme de nouveaux convertis à une quelconque religion.  C'est un pays de zinnekes où, à en croire la réclame, c'est la bière qui détermine le domicile. J'ai souvenir d'un vieux syndicaliste de la Brugeoise et Nivelles qui, avec un fort accent flamand, fustigeait le capitalisme du Nord du pays. A son enterrement, toute sa famille de la région du Rupel a suivi la bière.

Quel est donc ce pays étrange ?
Qui sait encore qui dirige ce pays ? Entre les curés, les indépendants, les rouges, les grands patrons, les petits politiques, les repliés sur eux, les dépliés sur les autres, les demandeurs de tout et de rien, les manipulateurs de l'histoire, les manipulés, ceux qui s'en foutent, ceux qui rêvent à un roi…de France, les qui en veulent toujours plus, les qui en ont  toujours moins,  il y en a certainement qui n'ont rien à dire, mais tous se déclarent victimes des autres.

Quel est donc ce pays étrange ?
Pour sa fête, la communauté néerlandophone choisit le 11 juillet, date de la bataille des éperons d'or, choix malheureux que ce symbole de la collaboration entre les soldats des comtes de Flandre et de Namur pour mettre les Français à la porte.
La communauté francophone penche pour le 27 septembre, prétextant qu'à cette date, on a foutu les Hollandais dehors, oubliant que dans les insurgés, il y avait Wallons, Flamands et Bruxellois.
Les germanophones, très belges, choisissent la date de la fête du Roi, le 15 novembre, roi qui n'est d'ailleurs pas né ce jour-là.

Quel est donc ce pays étrange ?
S'attend-t'-on maintenant à ce que je donne des conseils ? Quels conseils pourrait-on donner à des gens qui ont oublié d'écouter ? Quel prêche dans le désert pour contrer des vérités que certains ont construites depuis des années ? Peut-être que leur dire que les défis de demain ne sont pas ceux qu'ils croient ? Le règlement du Bazar de l'Hôtel de Ville, le rattachement à la France, la fierté d'être de quelque part ou d'ailleurs, la connaissance ou le refus de la connaissance d'une langue, tout ce bastringue doit céder le pas à des préoccupations plus essentielles (mais autrement plus difficiles à gérer), l'avenir de la terre pour que nous puissions continuer à partager des frites, de la bière et contempler de concert le Manneken-Pis, occupations autrement plus saines…


Commentaires

Lien croisé par Anonyme le Mercredi 08/08/2007 à 07:28

Coulisses de Bruxelles, UE: Savez-vous compter les Flamands ? : " Parce qu'il vaut mieux en sourire, je vous invite à cliquer sur le lien... http://humeur.tropdebruit.be/news/des-frites-de-la-biere-et-le-manneken-pis-tentative-de-comprehension-du-fait-belge ."


Légendes... par Anonyme le Mercredi 08/08/2007 à 12:01

Un petit effort pour ne pas vous laisser intoxiquer par la propagande svp. D'où sortez-vous que François Bovesse fut le seul à refuser le bilinguisme dans ce pays ?

Pensez-vous vraiment qu'à l'époque les Flamands étaient contre une Flandre unilingue néerlandophone et pour un bilinguisme ? Ou ne pensez-vous pas plutôt qu'il s'agit d'une relecture moderne confortable de l'histoire de notre pays par nos amis du Nord ???


Re: Légendes... par chercheinfo le Mercredi 08/08/2007 à 13:17

Cher Lecteur,

Sur base de quoi pouvez-vous affirmer que nous nous laissons influencer par une propagande quelconque. Bovesse est un exemple. Il (1) n'était certes pas le seul, mais emblématique néanmoins.
Bovesse et ses amis auraient-ils dit oui, serait-ce pour autant que la face de la Belgique en aurait été changée? Le mouvement wallon aurait-il été plus régionaliste qu'accroché à ses "clochers", serions-nous maintenant dans la même situation? Nous n'en savons fichtre rien.

Aurait-on pu citer des politiciens flamands? Certainement...(D'autres paragraphes égratignent les réprésentants flamands) mais il y a une différence entre une chronique et une exégèse historique. Les genres ne sont pas les mêmes et ne poursuivent pas les mêmes buts. A titre personnel, nous aurions tendance, bien souvent, à les renvoyer dos à dos, ces Flamands dont est ma femme et ces Wallons dont je suis, pour cette intolérance à l'autre dont font preuve trop de gens parmi eux.
Mais en regard des défis à venir, les querelles linguistisques sont des hochets destinés à distraire les enfants que nous sommes. Dans d'autres pays, on choisira la religion ou les convictions philosophiques. La propagande est peut-être là, tapie, prête à détourner l'attention des citoyens des enjeux fondamentaux comme la pollution, le réchauffement, etc...

Les auteurs.

PS.Connaissez-vous encore votre wallon et parlez-vous néerlandais?

(1) par exemple:
1. Contrairement à une antienne largement usée, la " Wallonie " n'a pas " refusé le bilinguisme généralisé de la Belgique en 1932 ".

La question du bilinguisme posée lors de la discussion du projet de loi de juin 1932 ne concernait que les services centraux de l'État (ministères, justice, administration centrale, etc.). À cette date, le régime linguistique de ces services centraux était régi par la loi Van Cauwelaert de 1921 qui prévoyait déjà le bilinguisme généralisé : tous les services de l'État central devaient progressivement être occupés par des agents tous bilingues, quel que soit l'endroit de leur office. Édulcorée par les parlementaires francophones lors de son adoption, cette loi prévoyait de longues périodes de transition (exonération pour les fonctionnaires déjà en place, périodes d'adaptation pour permettre aux unilingues de suivre des cours, etc.)

En 1932, il apparaît clairement que le bilinguisme ne progresse pas dans les faits. Dès lors, une majorité des membres de la commission parlementaire, des deux régimes linguistiques, fait le constat que cet objectif est illusoire, et qu'il vaut mieux s'orienter vers une subdivision des services centraux de l'État en ailes linguistiques séparées, permettant à chacun d'être traité dans sa langue par des fonctionnaires unilingues, sauf pour les fonctions supérieures pour lesquelles un bilinguisme minimal doit être maintenu.

Dans ce débat, " (…) des membres flamands (…) ont déclaré qu'ils étaient prêts à se rallier à tout système qui respecte à la fois l'égalité linguistique entre Flamands et Wallons dans les services centraux de l'État et l'unilinguisme régional dans les services locaux. Mais cette partie du projet a rencontré des résistances de certains membres wallons de la Chambre (…) " (Le Moniteur, Rapport de la section centrale de la Chambre, 28 juin 1932).

Il n'a donc jamais été question de revenir à un bilinguisme quelconque dans les pouvoirs locaux (communes, agglomérations et provinces), ce qui aurait d'ailleurs été largement incompréhensible et contradictoire avec toutes les revendications du mouvement flamand depuis un siècle, dont l'une des pierres d'angle était précisément l'éradication du français comme langue administrative en Flandre. Ce débat parlementaire de 1932 n'a donc rien à voir avec la question du régime linguistique des communes, et encore moins des futures facilités linguistiques octroyées à quelques-unes d'entre elles 30 ans plus tard.

In "Carte blanche - Le bilinguisme généralisé n'a jamais été à l'ordre du jour par Stéphane Rillaerts Coordinateur de formation à l'École de commerce Solvay, directeur d'un établissement hospitalier, auteur de " Le dédale Wallons-Flamands ", à paraître aux éd. Cortext [Le Soir 7/8/2007]