Dans l'entre-deux-guerres, mon arrière-grand-père s'en prenait à ma grand-mère parce qu'elle parlait en français à ses enfants. N'aurait-elle pas pu leur causer wallon ? A l'école, le "jacteur " de dialecte pouvait être puni pour quelques mots. Le français n'était-il pas la langue des ambassades, des aristos et des bourgeois. Le " Chagrin des Belges " aurait pu être de Wallonie autant que de Flandre. Pourquoi n'avions-nous pas choisi le bilinguisme ? On me dira que Bovesse avait ses raisons pour le refuser en 1930. Mais entre avoir ses raisons et avoir raison, il y a plus qu'un article possessif.
Quel est donc ce pays étrange ?
Le problème jugé le plus grave de ce pays a les initiales d'une grande surface parisienne : le Bazar de l'Hôtel de Ville. Quelles initiales prédestinées pour, effectivement, un bazar que certains voudraient scinder sans toujours savoir pourquoi (à en croire un ancien gouverneur de la Banque Nationale, à qui l'on prête ces mots " il faut scinder BHV, même si je ne sais pas pourquoi ".)
Quel est donc ce pays étrange ?
Pour certains, il est clair que la Flandre est une et indivise, parlant d'un sentiment commun fort, sans faille. Je ne suis ni sociologue, ni politologue, mais une enquête récente, financée par Swiss Life montrait que "… sept Limbourgeois sur dix associent l'âge de la retraite avec le fait de " profiter de la vie ". Par contre, près de quatre Anversois sur dix associent la retraite au fait de gagner moins d'argent…. " . N'est-ce une vision si différente de la vie, entre deux provinces flamandes, pourtant si proche l'une de l'autre ?
Quel est donc ce pays étrange ?
Jules Destrée disait qu'il n'y avait plus de Belge. Un intervenant, virulent, sur un forum de discussion se demandait ce que ce peuple avait en commun et refusait que l'on prenne comme exemple, la bière, les frites ou Manneken-Pis. C'est peut-être cela les Belges, un peuple qui ne se réfère pas à une Marianne, une révolution, un empire, prêt à chanter l'hymne du voisin parce qu'il l'entend plus souvent et plus enclin à promouvoir les choses simples que les envolées lyriques et compliquées, un peuple que l'on veut réduire à deux ou trois communautés, alors qu'il est avant tout de Liège, d'Antwerpen, d'Hasselt, de Namur, de Bruxelles… Pays de villes, de bières (deux fois bues), de fromages (qui parfois puent), de vacances à la côte (flamande) ou en Ardenne (wallonne)
Quel est donc ce pays étrange ?
Les plus rabiques communautaristes portent souvent un patronyme originaire de l'autre communauté, comme de nouveaux convertis à une quelconque religion. C'est un pays de zinnekes où, à en croire la réclame, c'est la bière qui détermine le domicile. J'ai souvenir d'un vieux syndicaliste de la Brugeoise et Nivelles qui, avec un fort accent flamand, fustigeait le capitalisme du Nord du pays. A son enterrement, toute sa famille de la région du Rupel a suivi la bière.
Quel est donc ce pays étrange ?
Qui sait encore qui dirige ce pays ? Entre les curés, les indépendants, les rouges, les grands patrons, les petits politiques, les repliés sur eux, les dépliés sur les autres, les demandeurs de tout et de rien, les manipulateurs de l'histoire, les manipulés, ceux qui s'en foutent, ceux qui rêvent à un roi…de France, les qui en veulent toujours plus, les qui en ont toujours moins, il y en a certainement qui n'ont rien à dire, mais tous se déclarent victimes des autres.
Quel est donc ce pays étrange ?
Pour sa fête, la communauté néerlandophone choisit le 11 juillet, date de la bataille des éperons d'or, choix malheureux que ce symbole de la collaboration entre les soldats des comtes de Flandre et de Namur pour mettre les Français à la porte.
La communauté francophone penche pour le 27 septembre, prétextant qu'à cette date, on a foutu les Hollandais dehors, oubliant que dans les insurgés, il y avait Wallons, Flamands et Bruxellois.
Les germanophones, très belges, choisissent la date de la fête du Roi, le 15 novembre, roi qui n'est d'ailleurs pas né ce jour-là.
Quel est donc ce pays étrange ?
S'attend-t'-on maintenant à ce que je donne des conseils ? Quels conseils pourrait-on donner à des gens qui ont oublié d'écouter ? Quel prêche dans le désert pour contrer des vérités que certains ont construites depuis des années ? Peut-être que leur dire que les défis de demain ne sont pas ceux qu'ils croient ? Le règlement du Bazar de l'Hôtel de Ville, le rattachement à la France, la fierté d'être de quelque part ou d'ailleurs, la connaissance ou le refus de la connaissance d'une langue, tout ce bastringue doit céder le pas à des préoccupations plus essentielles (mais autrement plus difficiles à gérer), l'avenir de la terre pour que nous puissions continuer à partager des frites, de la bière et contempler de concert le Manneken-Pis, occupations autrement plus saines…
Coulisses de Bruxelles, UE: Savez-vous compter les Flamands ? : " Parce qu'il vaut mieux en sourire, je vous invite à cliquer sur le lien... http://humeur.tropdebruit.be/news/des-frites-de-la-biere-et-le-manneken-pis-tentative-de-comprehension-du-fait-belge ."