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Des choses dont on parle pour l’instant (1)

Ne pas s'arrêter aux symptômes

• Samedi 05/12/2015 • Version imprimable

S’interroger sur la survenue d’un événement pour comprendre  son apparition ne fait pas de vous un zélateur.
Critiquer (au sens premier d’apprécier la valeur) les mesures prises pour empêcher le retour de cet événement ne fait toujours pas de vous un zélateur.

Vous avez parfaitement saisi que nous parlions des actes récents de terrorisme.  Il est parfaitement clair qu’aucun d’entre nous n’a envie de faire l’apologie de ces actes. C’est à dessein que nous ne parlons pas de terrorisme. Ou alors, nous devrions écrire que nous n’avons pas envie de faire l’apologie de CE terrorisme.

Ho, terrain glissant… Il se trouverait vite quelqu’un pour nous dire que nous défendons la terreur. Et bien aucunement, mais mettre un même nom sur des situations différentes conduit des choses étranges.
Nelson Mandela a été considéré jusqu’en 2008, par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, comme un terroriste[1]. Pourtant qui considérerait maintenant son combat (et celui de son parti) comme injuste.

Il nous faut donc comme citoyens ne pas nous arrêter à la première explication venue et à la première solution proposée.

Ainsi, prenons les mesures prises par le gouvernement belge. Certains juristes rappellent que « "Tant la Constitution que la Convention européenne des droits de l'homme admettent qu'il y a des exceptions aux libertés et droits fondamentaux, mais stipulent que celles-ci ne peuvent dépasser ce qui est strictement nécessaire dans une société démocratique [2]»  (Nous verrons dans une prochaine livraison l’usage de l’état d’urgence en France). Bien entendu, nous pouvons et devons débattre de ce positionnement. Mais ce qu’il ne faut pas à notre sens, c’est prendre des décisions pour rassurer ou satisfaire une certaine population sans en vérifier la praticité et l’applicabilité, y compris budgétaire.

De manière générale, les actes de police, lato sensu, sont bien entendu nécessaires. Il serait hypocrite de le nier. Nous apprécions tous d’être protégés d’actes malveillants. (Certes, la méthode a son importance). Cependant, il n’en reste pas moins que ce sont des moyens de lutte contre les symptômes et non contre la « maladie ».

Nous pouvons donner une cause « raciste » à cette maladie, mais ce serait erroné tant c’est réducteur. Bien entendu, la culture, la religion, ce genre de choses, ont une influence sur le comportement. Michaël Moore dans son documentaire « Bowling for Colombine »  compare la situation des Etats-Uniens et des Canadiens. A taux de détention d’armes à feu comparable, il y a proportionnellement réellement beaucoup moins de morts par arme à feu au Canada (et certainement de tueries de masse).

Il faudrait, à notre sens, explorer plus avant les mécanismes de dérive sectaire, pour mieux comprendre et prévenir ces actes. D’autant, que dans ce cas précis, si nous devons en croire Dounia Bouzar :  « ... Les filles sont, en général, issues de la classe moyenne, n’ont pas connu l’immigration et sont plutôt, de référence catholique ou athée. Ce sont des filles de professeurs, de fonctionnaires, d’avocats, de médecins…Nous avons aussi des filles d’origine maghrébine mais ce n’est pas la majorité. Nous avons 3% de jeunes filles issues de familles juives. C’est pour cela que le débat liant la radicalité à l’intégration, c’est du n’importe quoi [3]».

Olivier Roy explique  ce phénomène d’enrôlement partout dans le monde de cette manière ; « Ce sont des jeunes qui cherchent leur guérilla, comme nous dans les années 60. A l’époque, notre cause était la révolution, maintenant, c’est le jihad mondial. Dans son essai The Terrorist in Search of Humanity (2), l’historien Faisal Devji explique que, mis à part le fait que les terroristes tuent, il n’y a pas de différence fondamentale entre un humanitaire et un gars d’Al-Qaeda. Ce sont des militants d’un monde global, des nomades, souvent déracinés. Mais si on veut vraiment comprendre l’enrôlement des jihadistes, il faut regarder du côté de la fusillade du lycée de Columbine, en 1999, et des jeunes gens qui se perdent dans une même violence autodestructrice. En Orient comme en Occident, il existe une jeunesse fascinée par ce nihilisme suicidaire. L’islam donne une dimension globale, peut-être aussi mystique, un nom à une cause. Aujourd’hui, le jihad est la seule cause sur le marché. Nous ne voulons pas voir les points communs, mais seulement les différences, et préférons nous enfermer dans une lecture monomaniaque du monde musulman. On se réfugie dans le choc des cultures sans voir l’aspect mondialisé du phénomène. Or, ces conflits sont le symptôme d’un même effondrement culturel. [4]»

Ainsi peut-on lire dans Slate que le « Spécialiste des sectes, le Suisse Jean-François Mayer note aussi, dans son blog Religioscope, que le conflit en Syrie, accompagné du départ de volontaires étrangers, souvent très jeunes, pour combattre avec des groupes djihadistes, confirme le modèle explicatif des dérives sectaires. La radicalisation est très rapide et les familles sont sous le choc, écrit-il. Il établit un parallèle avec la stupéfaction des parents et proches des jeunes adhérents d’une secte dans les années 1970 et 1980. «Il n'est pas étonnant, écrit Jean-François Mayer, qu'une grille explicative déjà disponible se trouve reprise et appliquée à ces conversions au djihadisme, qui peuvent être le fait de jeunes issus de milieux musulmans, mais aussi de personnes sans arrière-plan musulman, et embrassant à la fois l'islam et, peu de temps après, le djihadisme. Une nouvelle génération d'aspirants djihadistes émerge, parmi lesquels se trouvent de potentielles recrues très jeunes et pour lesquels les réseaux sociaux jouent un rôle crucial.[5]»

John Hillermann, écrivain américain qui a beaucoup écrit sur la nation Navajo par le biais de romans policiers, évoquait cette notion d’hozho , cet équilibre entre les êtres et ce qui les entourent, qui ferait dire qu’un criminel est le résultat d’une perte d’harmonie au sein du groupe.  Si tout ne renvoie pas à la société, au groupe, il ne serait raisonnable de dire que c’est toujours l’individu seul qui se fait.

(Fin de la première partie)

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