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Chroniques d'été: "Pour enchaîner les peuples, on commence par les endormir."

• Mercredi 13/07/2011 • Version imprimable

Résumé de l’épisode précédent :

Nous avions laissé le plus âgé, la plus jeune, la brunette à bouclettes, le blondinet, la rondelette à la terrasse d’un café. Ils avaient longuement débattu de l’avenir de l’énergie avec un voisin de table, mais la question que, nous, nous nous posions tous était : « la passion charnelle du blondinet va-t-elle y survivre ? ».

(Vous me direz que les laisser une semaine sur une terrasse de café n’est pas une promotion pour la tempérance).

- Faut-il être vieux jeu pour s’accrocher à son nationalisme ? se demande la plus jeune.

- Veux-tu dire par là que défendre sa nation n’est plus pertinent ? l’interroge la brunette à bouclettes.

- Je me le demande, c’est tout. Dans un monde comme celui dans lequel nous vivons, les conséquences de nos actes dépassent toujours nos frontières. Croire qu’à l’abri de celles-ci nous pourrons échapper à tous les maux est d’une grande naïveté et le faire croire est une grande escroquerie.

- Mais qu’engloberais-tu comme actes ou comme situations ? revient la brunette.

- Tout finalement. Fukushima, les barrages brésiliens, la fabrication de jouets, l’usage de la voiture, tout. Nous sommes tous victimes et acteurs potentiels. Il serait illusoire de se croire à l’abri, même avec beaucoup d’argent.

- Mais tu limites la portée du nationalisme à des éléments financiers, dit alors la rondelette.

- Mais n’est-ce pas essentiellement le cas. Au moins dans nos contrées. Que des gens veuillent créer une nation, réclament une indépendance pour se soustraire à un pouvoir irrespectueux, cruel, dictatorial, je peux aisément le comprendre, même si je suis convaincue de l’inanité à long terme de la chose. En quoi est-ce inutile me direz-vous ? Si les fondements d’où procède cette sécession sont la recherche de la démocratie et de la liberté, n’y a-t-il rien de plus noble ? Mais est-ce bien toujours pour ces raisons que certains se réclament de « l’indépendantisme ».

- Je peux te suivre, affirme la rondelette. Qu’une région évolue vers plus de liberté est déjà un point positif, mais les nationalistes ou indépendantistes européens le sont rarement encore pour de véritables raisons démocratiques. Même la défense de la culture, au sens noble, n’est au final devenu qu’un prétexte. Il s’agit plus d’exprimer un racisme ou un égoïsme, un rejet de l’autre plutôt qu’un véritable projet démocratique.

Guère échaudé, le voisin de table, toujours engoncé dans un costume trop étroit s’énerve alors.

- A vous entendre, dit-il, le pays, la nation n’ont plus de valeurs. Faut-il les abandonner aux autres ? Faut-il effacer sa culture pour des étrangers ?

- Et puis, dit le blondinet, retrouvant sa voix, sommes-nous condamnés à accepter toute la misère du monde, à payer pour tout le monde ?

La brunette ne se laisse pas démonter.

- Pour parler de culture, encore en faudrait-il, lance-t-elle cinglante au visage de l’engoncé. Faites-nous donc la preuve que vous en avez. Et toi, s’adressant au blondinet, es-tu sourd, stupide, simplement cupide ? Ou les trois à la fois. Sourd, pour ne pas avoir entendu ce que nous disions. Que ta «liberté » est synonyme d’esclavage, de dictature, de destruction pour d’autres. Stupide pour ne pas comprendre que la prospérité de l’un se bâtit trop souvent sur la ruine de l’autre. Ou égoïste pour ne penser qu’à ta petite personne.

- Et bien moi, claironne le voisin, je ne n’ai peut-être pas de culture, mais j’admire ces gens qui défendent leur peuple. Bien que Wallon, j’admire Bart de Wever pour la défense de ses concitoyens. Je peux comprendre qu’il en ait marre de la paresse des Wallons.

Derrière son journal, le plus vieux commence à lire :

- « Il se présente comme le chien de garde de la classe moyenne flamande, mais il défend la classe moyenne supérieure et les riches. »

- Que veux-tu dire ? questionne le blondinet.

- Moi rien, mais le président de GROEN.

Et il reprend sa lecture :

- « Parmi les propositions formulées par M. Di Rupo figurent une taxe plus élevée sur les transactions bancaires et une augmentation des charges sur les voitures d’entreprises les plus puissantes et les plus polluantes. “Des phénomènes que je ne peux associer avec la ‘classe moyenne travailleuse’”, a souligné le président de Groen! .“L’image que la note Di Rupo s’attaque aux riches plutôt qu’à la classe moyenne ne s’inscrit pas dans l’étal de la N-VA, qui fait tout pour prouver que ce texte touche surtout la classe moyenne”, a-t-il ajouté, accusant M. De Wever d’avoir utilisé des chiffres incorrects. ». En d’autres termes, sous prétexte de défendre la Flandre, il ne fait que défendre une classe privilégiée. Son admiration pour l’UMP est illustratrice à cet égard[1]. De la fainéantise des Wallons ont peut toujours discuter. Même si le monde a toujours plus souffert des ambitieux que des paresseux. « La cure ne sera pas complète tant que nos pauvres de l’industrie ne se résigneront pas à travailler six jours pour la même somme qu’ils gagnent maintenant en quatre[2] » disait un anonyme du dix-huitième. Et Bart de Wever, dans sa volonté de démonter un état, ne veut pas autre chose. Aux chiottes, l’état providence. Et quand le travailleur flamand s’en rendra compte, il pourra toujours se plaindre, personne ne l’entendra. Il a accepté de redevenir esclave.

La blondinet est coi, le regard dans le vide. Et pendant cette conversation, il doit y avoir eu bien une centaine de personnes qui sont mortes de faim.

Propos recueillis à droite et à gauche par Denis Marion, entrepreneur sans but lucratif.

 


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