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Chroniques d’été : « Nous sommes en guerre »

• Mardi 20/07/2010 • Version imprimable

Une série de chroniques construites sur des propos recueillis ces derniers mois.

« Nous sommes en guerre ! » Voilà ce qu’assenait dernièrement un vieil ami lors d’une réunion dégustative. Interloqués qu’ils étaient les convives, surpris la fourchette à la bouche ou le verre aux lèvres.
-          En guerre contre quoi ? a demandé un premier.
-          Encore contre une pollution quelconque ? » a poursuivi un second.
 
Il est exact que ce pote est de tous les combats, contre les OGM, contre les ondes, contre les centrales nucléaires, contre par principe presque… Cependant, il ne parlait pas de ce genre de guerre. Il parlait d’une « vraie » guerre, pour autant qu’il y en ait de fausses. Il en fût de drôles, c’est vrai. Une vraie guerre menée par la Belgique (et quelques autres) en Afghanistan.
Mais entonnait le chœur des convives, « Nous ne sommes pas en guerre.
-          Mais qu’est-ce d’autre quand on envoie des avions pour lâcher des bombinettes sur la tête des gens, répondit notre vieil ami (guère plus âgé que moi). Un tir aux pipes à la foire du Midi ? 
-          Mais c’est pour lutter contre le terrorisme, lâcha un gars qui depuis le début essayait d’avoir l’air intelligent. C’est une opération de police contre des terroristes.
-          Et puis, ces talibans ont des mœurs affreuses à l’égard des femmes » échotait sa voisine. 
 
Alors une petite voix se leva « Croyez-vous sincèrement que nous sommes là pour les mœurs affreuses de ces religions ? Avec nos ploucs, nous serions alors partout, et aussi chez nous, pour combattre ces habitudes d’un autre âge. Si c’est pour combattre le terrorisme, nous devrions courir le monde pour éradiquer ce mal… selon le point de vue où l’on se place. N’y aurait-il pas des motifs plus géostratégiques ou simplement économiques ? Ne vient-on pas de dire que l'Afghanistan serait assis sur un trésor de minerais ? Pourquoi y trouve-t-on tant d’investisseurs indiens et chinois? C’est bien une guerre, mais sans doute, sans beaucoup de bonne raisons. »
-          « Mais n’apportons-nous pas la démocratie ? » questionna alors un bien pensant.
-          « Démocratie, mon cul » répondit clairement et fortement le compagnon de la petite voix. 
 
Mon vieil ami reprit son discours interrompu « Si demain, des Afghans, que l’on estime si peu réfugiés et bien légitimement expulsables parce que l’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, si demain, donc, ils se mettaient à faire la guerre ici, que diriez-vous ? Que ce n’est pas de jeu ? Que le terrain des affrontements est là-bas, pas ici. Quelle c…. ! «   
-          C’est une idiotie, repris la petite voix, de croire que la violence s’éradique de cette manière. Il y a peu d’exemples où un pouvoir est venu à bout de ces insurrections, surtout un pouvoir corrompu. 
-          Alors, faut-il laisser tout faire ? N’a-t-on pas un devoir d’ingérence ?  s’indigna un fidèle de Kouchner.
-          Ingérence et intérêt commencent avec les mêmes lettres, répondit mon vieil ami. D’ailleurs, de quel droit pouvons-nous considérer ces Talibans comme plus dangereux pour la planète que les dirigeants de BP, de Monsanto ou nous-mêmes ? Les Tuvaluans, les Gilbertins ou les Inuits seraient sans doute en droit de nous demander des comptes sur nos comportements violents ? 
-          Je suis désolée. Je ne vois pas en quoi je suis violente, s’indigna une péronnelle.
-          Deux ou trois voyages en avions pour te faire rôtir les miches te rendent aussi coupable qu’un terroriste endurci… et tes poubelles seront un facteur aggravant ».
-          Mais je les trie.
-          La belle affaire, avant de trier, il t’a fallu piller ! »
 
« N’exagérez donc pas. Nous ne sommes pas des pilleurs, recommença un des premiers contradicteurs. Et pour revenir aux Talibans, leur mode de vie n’est guère sympathique.
-          J’en conviens, leurs mœurs sont par trop rétrogrades. Mais sont-elles à ce point si éloignées de certains fondamentalismes chrétiens. Ils ont plus de ressemblances avec Sarah Pallin que j’en ai avec elle. La différence réside plus dans leur mode de vie et là, c’est certainement Sarah Pallin qui est la plus dangereuse. »
 
Pendant ces échanges, je regardais dans mon verre de vin la couleur du sang perdu.
 
Propos recueilli par Denis MARION
Entrepreneur sans but lucratif.