Nous avions laissé nos amis, il y a quelques semaines. Depuis, silence radio. D'après mes sources, ils se seraient exilés pendant trois semaines dans une cabane forestière, pas loin de la Géronne, dans une Ardenne peu touristique.
Les voilà revenus, guère marqués par les moustiques, l'exil ou le temps. Mais sans plus sur ce qu'ils ont fait. Chacun a droit à sa part d'intimité.
- Ben, oui. Un non-lieu général dans l'enquête sur l'impact de Tchernobyl en France mérite qu'on y revienne. Selon les analyses scientifiques, la catastrophe nucléaire de 1986 n'a pas eu de conséquences sanitaires en France. Aucun lien n'a été fait avec les maladies de la thyroïde. Pourtant, un récent rapport d'experts a établi qu'une augmentation importante de la proportion des troubles de la thyroïde a été observée en Corse après l'accident de Tchernobyl[1].
- Je considère qu'il y a doute et je n'ai pas pour principe de croire systématiquement à tout ce que me racontent les autorités.
- Mais à ce train là, tu passes ton temps à cela. Et puis, cela fait aussi « Grande théorie du complot », s’étonne le blondinet.
- Rassure-toi. Je ne suis pas parano et je garde du temps pour moi. Mais il n’empêche. Plus nous sommes à nous occuper de ce genre d’affaires, mieux c’est.
Et voilà que le reste de la troupe déboule dans la pièce.
- Des platanes ! Certains s’énervent avec des arbres, répond la plus jeune, en s’affalant dans le divan.
- Il a raison, s’énerve la brunette qui s’assied sur le pouf.
- Voilà, commence le plus vieux. Je vous cite « On n’allait pas faire sauter le gouvernement pour des platanes », estimait Charles Picqué (PS), pour qui « remettre en cause le projet, c’était aussi mettre à mal la cohésion au sein du gouvernement. On ne peut pas se le permettre, surtout en cette période délicate ».
- Pour des raisons communautaires, on va abattre des centaines d’arbres. Il faut satisfaire la volonté d’une ministre contre celle de dix mille citoyens, continue la brunette. Pourtant, il existait une alternative. Un beau projet[2]. Mais Tina est passée par là.
- Tina, c’est la ministre ? demande le blondinet.
- Non, c’est Brigitte Grouwels, répond le plus vieux. Mais elle pourrait s’appeler Tina Grouwels.
- Tina pour There is no alternative[3], explique la plus jeune. Il n'y a pas d'alternative
- En fait, c’est un acronyme que nous pourrions toujours avoir sur le bout de la langue, poursuit notre rondelette en regardant le blondinet. Combien de fois n’entendons-nous pas cela dans la bouche d’experts, de chefs d’entreprise ou de politiciens. Cela peut être vrai, mais bien souvent d’autres voies existent. Mais faute de réflexion, par intérêt, par paresse, par addiction à une pensée dominante, Tina revient toujours.
- Tina, ti n’as pas le choix. Ils ont décidé pour toi, si je comprends bien, ironise le blondinet.
- Il a tout compris, reprennent en chœur tous les autres.
- La remise en cause des idées reçues en économie, c’est aussi un peu combattre Tina ?, se demande le blondinet.
- Je viens de tomber sur le Manifeste des économistes atterrés[4] et je trouve cela très perturbant. Cela remet en cause tous mes acquis.
Propos recueillis à droite et à gauche par Denis Marion, entrepreneur sans but lucratif.
[1] http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/09/07/l-enquete-sur-le-nuage-de-tchernobyl-dans-les-mains-de-la-justice_1568638_3244.html#ens_id=1568640
[3] There is no alternative (TINA « il n'y a pas d'alternative » en français) est un slogan politique couramment attribué à Margaret Thatcher lorsqu'elle était Premier ministre du Royaume-Uni qui signifie que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l'échec. Elle a toutefois peu utilisé cette expression en ce sens au cours de sa carrière dans ses interventions officielles. L'expression, notamment sous forme de l'acronyme « TINA », est restée.