Anna Hazare, admirateur indien de Gandhi, aurait entamé un jeûne en détention pour protester contre le laxisme d’une loi anti-corruption. Ce que reproche Anna Hazare est que dans le projet de loi est que le premier ministre et les plus hauts membres de la hiérarchie judiciaire seront exemptés d'enquête. Cet homme avait déjà défrayé la chronique en avril en poursuivant un jeûne de 98 heures qui avait réussi à faire plier le gouvernement pour que des membres de la société civile participent à la rédaction d'un projet de loi durcissant la législation anti-corruption.
A lire les dépêches, ce militant a été arrêté parce qu’il envisageait une grève de la faim. D’autres citoyens l’ont été pour leur soutien lors d’un rassemblement, autorisé ou non, cela n’est pas très clair. Le ministre de l’intérieur évoque des problèmes de sécurité.
Le Premier Ministre a affirmé que « ceux qui ne sont pas d'accord avec le projet de loi peuvent faire valoir leurs vues au sein du Parlement, dans des partis politiques ou dans la presse ».
Pour B.G. Verghese, chroniqueur politique pour plusieurs médias et professeur associé au Centre de recherche en politique à New Delhi, cette tactique du jeûne est profondément anti-démocratique. «Aucun groupe, aucun individu ne peut dicter au parlement ce qu'il doit faire ou alors on est dans un Etat fasciste. Gandhi utilisait le jeûne dans un contexte politique tout à fait différent, où la liberté de la presse n'existait pas et dans une société non démocratique».
Le Premier Ministre réduit le champ de « l’exercice de la démocratie » au Parlement, les partis politiques ou la presse. Il considère en fait que le citoyen n’a pas voix au chapitre. Il doit passer impérativement par des « philtres » (sic) pour faire part de son opinion. Certes, dans une démocratie indirecte ou représentative, les citoyens élisent des représentants qui seront alors chargés d'établir les lois et de les exécuter. Mais est-ce pour autant qu’ils n’ont pas le droit de manifester leur désapprobation, dans la rue au besoin ou de toutes autres manières « acceptables ».
Le jeûne est-il acceptable ? Le recours à la grève de la faim témoigne-t-il systématiquement de visées fascisantes ?
Sans préjuger de la situation que je ne connais que par les dépêches, il me semble que Anna Hazare ne s’est pas lancé dans l’aventure avec en vue des avantages personnels. Il a jugé qu’en excluant la hiérarchie judiciaire et le Premier Ministre du champ d’application de la loi anti-corruption, on en vidait une bonne partie de sa substance. Pourrait-on lui donner tort quand nous considérons les agissements d’un Berlusconi en Italie ? Il a la volonté de peser sur le Parlement ou le gouvernement, comme n’importe quel lobbyiste, groupement, association. Il met effectivement sa vie en danger, mais c’est la sienne. Si le gouvernement est convaincu de la justesse de son projet, il n’a pas à céder « au chantage ». Mais peut-être n’est-il pas droit dans ses bottes ? Oui, pourquoi exclure certains hauts responsables et pas d’autres ?
Et puis soyons honnêtes. Que nous soyons d’accord ou non avec les idées exprimées, il faut un certain courage pour se lancer dans une grève de la faim. Je ne vois pas madame Lagarde au FMI ou un quelconque analyste dans une agence de notation jeûner jusqu'à la mort pour faire accepter leur point de vue. Il leur suffit de l’exprimer pour que chacun se plie à leurs exigences et pourtant, ils n’ont pas plus, voire beaucoup moins, de légitimité que Anna Hazare.
sources:
http://www.20minutes.fr/ledirect/770798/inde-militant-anti-corruption-arrete-avant-greve-faim
http://info.france2.fr/monde/anti-corruption-des-centaines-d-arrestations-70020511.html