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Ceci n’est ni une pipe, ni un gigot, ni un éclair au chocolat.

• Mercredi 22/10/2008 • Version imprimable

Economie réelle, économie réelle. L’économie réelle va être touchée. Mais qu’y a-t-il encore de réel dans l’économie ?
La bulle internet du début des années 2000 était-elle réelle ? Les services ou les produits que l’on consomme sont-ils réels ? Quel est la part de réalité dans un GSM ? Dans une voiture ?
 
Bien entendu que je joue avec les mots. Une voiture, c’est du concret, du solide, de l’acier, de la tôle. Mais quand on nous la vend, la vend-t-on pour un engin qui nous permet de nous déplacer ou pour un signe qui rend vert de jalousie ceux qui nous croisent. La part de réalité des objets que nous achetons s’amenuise peu à peu. On nous vend (et ce n’est pas récent) les choses non pas pour ce qu’elles peuvent faire, mais pour ce qu’elles symbolisent, pour remplir des besoins qui n’existent pas encore.
Ce qui est vrai pour les produits, l’est davantage encore pour les services. De la ligne fixe, nous sommes passés au téléphone mobile (à l’innocuité bafouée) en nous vantant les mérites d’une liberté toute relative, puisque que nous sommes en laisse toute la journée. Maintenant, l’internet partout devrait nous charmer, ce qui ne sera pas sans conséquence sur l’avenir : multiplication des antennes UMTS ou des réseaux wifi citadins, que d’aucuns ne sont pas loin de considérer comme d’utilité publique.
Mais finalement, ceci, et le reste, est-ce bien indispensable ? Faut-il un véhicule puissant pour se déplacer, fut-il (futile) hybride ? Faut-il pouvoir aller en avion chaque week-end dans sa maison de campagne ? « Voler n’est pas un article de consommation, c’est une infrastructure vitale. Cette nouvelle réglementation pousse à la fin de cette donnée », affirmait une organisation de défense des compagnies aériennes à propos de la taxe sur les billets.
En quoi est-ce donc vital si ce n’est pour permettre aux marchandises et au genre humain de se déplacer comme les capitaux, vite, loin, au meilleur prix, au plus offrant.
 
Ne pourrait-on pas croire que ces économies réelle et virtuelle ne font qu’une ? Un ensemble de pratiques, pour la plupart détachées de la vraie vie, des besoins réels, des impératifs quotidiens ?
Cet ensemble est cependant puissant. Il parvient à réunir autour de lui les grands et moins grands de ce monde pour sa survie, alors qu’ils se disputeraient s’ils discutaient de l’avenir de la planète. Voyez les tractations au sommet européen sur les avancées en matière climatique. Voyez les réflexions du gouvernement wallon sur la taxation des billets d’avions. L’économie (identifiée à ses acteurs) avant tout. Mais l’économie est-elle tout, peut-elle tout. Elle est clairement incapable de s’autoréguler, incapable de réfléchir à long terme, de consommer raisonnablement.
Faut-il sourire de ce que nous évoquions plus haut, que le voyage aérien est essentiel à la vie ? Faut-il sourire de la prétention des constructeurs automobiles qui demandent à l’Europe de subsidier leurs recherches pour des véhicules plus propres, alors que supprimer toutes les grosses berlines et autres 4x4 auraient un effet immédiat ? Se déplacer dans un véhicule émettant 99 gr CO² au km est aussi efficace que dans un autre émettant 120, 130 ou plus encore.
 
Après avoir écrit les premiers paragraphes de ce texte, j’ai reçu d’un ami cette chronique La Bourse ou la vie! que je vous invite à lire. Je ne résiste pas à vous en faire partager deux extraits.
 
Or, pendant ce temps-là, derrière les vitres teintées de notre aveuglement volontaire, la planète se réchauffait à une vitesse imprévue, les pesticides polluaient irrémédiablement la terre, les rivières et les forêts puis s’écoulaient dans nos veines, surchargeant les hôpitaux de cancers divers et variés, et la plupart des espèces animales sauvages étaient en voie de disparition... y compris ces pauvres abeilles dont on avait tout lieu de penser qu’elles nous étaient indispensables. Mais, bien entendu, il fallait absolument continuer de maintenir le taux de croissance économique, soutenir et glorifier le jeu de poker fermé que jouaient entre eux, dans leurs bunkers climatisés, les grands enfants gâtés et arrogants de la finance internationale !
 
Convaincu tout autant de la pérennité de leurs systèmes économiques que de l’espèce humaine, ils ont, nous avons oublié que la réalité n’était pas ces ultimes avatars des matières et du néant que nous vendions ou achetions, mais un système complexe qui ne supporte pas d’être martyrisé.
 
 La vérité me semble plutôt que nous avons stupidement nommé raison et accordé trop de sérieux à une façon de penser en réalité tout à fait absurde et folle, fait beaucoup trop confiance à une pompeuse rationalité prétendument scientifique qui s’appelle le mathématisme. Comme si le fait de prendre très soigneusement des mesures et de faire fonctionner à la perfection des machines de plus en plus sophistiquées était la preuve irréfutable que nous allions dans le bon sens, que c’était là la chose à faire pour améliorer nos existences et nous donner du bon temps ?
 
Nous donner du bon temps passe-t-il obligatoirement par la case « consommation » ? La botte de foin, le matelas de crin et le jacuzzi sont-ils les étapes obligatoires de la progression de certains plaisirs ?
 
Je veux être convaincu que ces crises serviront de déclencheurs, mais quand je lis un article comme Spéculer, c'est beau et c'est bon où l’auteur considère qu’ « Aujourd'hui, faire l'éloge de la spéculation relève un peu de la provocation. Et pourtant, cette fonction économique est à réhabiliter. », je me dis qu’avec certains, ce ne seront que des bulles spéculatives qui continueront à exploser.
 
 
Denis MARION