Est-elle suffisante ? Certes non. La valeur de l’exemple est importante, mais il en faut généralement plus pour réformer les pensées communes. Le conformisme et la soumission à l’autorité sont autrement plus puissants.
Dans la bouche de certains, le mot « démocratie » n’a d’ailleurs plus la même valeur. Par exemple, le fait que Marine Lepen ne puisse peut-être pas obtenir ses cinq cents signatures est-il réellement un scandale comme l'affirme Ivan Rioufol, journaliste au Figaro. Le fait que les élus locaux n'aient pas envie de promouvoir le FN en ne signant pas est-il forcément antidémocratique?
Le mot « civilisation » est lui aussi malmené. Quand les politiques commencent à parler de civilisation, il y a toujours derrière cela une idée de compétition, une envie de supériorité, une position condescendante, au mieux, une attitude raciste, souvent. Mais c'est toujours une façon de distraire les électeurs du néant des propositions qu'on leur fait. Ce n’est point pour rien qu’en France, le jeu de mot, Guéant, Sinistre Néant, puisse faire rire… jaune.
Mais l’arrogance de nos « démocraties » est bien réelle. Prenons les actes de piraterie en Somalie. Abdulahi Ahmed Guelleh est un pirate présumé. Il est emmené par l’armée française pour être jugé, mais il s’avère qu’il n’est pour rien dans l’affaire au grand dam de ses accusateurs. On l’a mis à la porte. Il est libre. Il peut être content.
« Peu avant minuit ce jour-là, les surveillants de la maison d’arrêt de la Santé, à Paris, où il était incarcéré depuis plusieurs mois, l’ont littéralement jeté dehors. Lui ne voulait pas partir. Il avait peur… Aujourd’hui encore, ce Somalien de 36 ans ne connaît rien ou presque de la France, un pays dont il a pourtant foulé le sol il y a plus de trois ans, menotté et entravé pour « faits de piraterie » au large de son pays. Hébergé depuis sa libération dans un hôtel bon marché de la banlieue parisienne aux frais de Somaliens installés en France, M. Guelleh n’ose pas sortir de sa minuscule chambre à 38 euros la nuit. « Il est complètement perdu. Tout lui est étranger ici, à commencer par la langue », résume son avocat, Me Florent Loyseau de Grandmaison. Perdu, on le serait à moins : de la France, il n’avait donc vu que les murs de ses prisons, leurs gardiens et la violence de certains de ses codétenus. « Sa situation est inédite, poursuit l’avocat. Il se trouve dans un pays où il n’a pas voulu venir, sans aucun document d’identité ni aucune trace d’entrée sur le territoire, et d’où il ne peut pas partir. » « Voilà ce qui arrive quand on permet à l’armée d’enlever des hommes dans leur pays et de les déraciner à la va-vite, sans enquête préalable, afin de les juger », se désole un autre avocat chargé du dossier. » [ii]
Pourrait-on dire comme Jean Ziegler, que les vrais bandits sont les multinationales[iii]?
Que dire des Etats-Unis qui autorisent la torture ou la laissent se pratiquer pour atteindre leurs desseins « démocratiques »? De multiples exemples peuvent encore être trouvés mais laissons faire puisque la raison de l’état l’exige.
Soyons certains que « nous » ne sommes pas innocents et que ne pas saluer ne suffit plus. Sinon à être de simples augustes.
[i]August Landmesser (né le 24 mai 1910, présumé tué en février 1944) était un travailleur à l'arsenal Blohm & Voss de Hamburg, connu pour son apparition sur une photographie1 où il refuse d'effectuer le Salut nazi lors de l'inauguration naval d'un vaisseau d'entraînement, le Horst Wessel, le 13 juin 1936. Il est membre du Parti nazi de 1931 à 1935, mais après avoir été père de deux enfants avec sa femme juive, il est reconnu coupable de «déshonorer la race» sous les lois raciales nazies et il est traité comme un opposant au régime du Troisième Reich. August Landmesser se marie en 1935 avec Irma Eckler, une femme juive née en 1913. Elle est arrêtée en 1938 par la Gestapo et détenue à la prison de Fuhlsbüttel. Les enfants (Ingrid et Irène) sont alors séparés; Ingrid est confiée à sa grand-mère, Irène est conduite dans un orphelinat puis dans la maison des beaux-parents. Leur père, August Landmesser, est libéré de prison le 19 janvier 1941. Landmesser travaille ensuite comme chef d'équipe dans la société Püst. La compagnie est une branche de l'entreprise Heinkel-Werke à Warnemünde. En février 1944, il est incorporé dans le Strafbattalion, le 999e Fort Infantry Battalion, où il est déclaré disparu en mission et présumé tué.
[ii] Monde Diplomatique Février 2012.