S'identifier - S'inscrire - Contact

Allez savoir (2)

• Dimanche 18/11/2007 • Version imprimable

Il y a bien un mois maintenant, j’abordais ce casse-tête du défrichage, défrichement, déchiffrage de l’information. « C’est donc une encore plus triste chose que de nos jours, il y ait tant d’informations utiles si longtemps tues » me disais-je clairement et non point in petto. Mais bon retenu par des déposants clandestins et des querelles intestines, j’avais abandonné l’ouvrage sur le métier. Je m’y suis remis…

J’évoquais donc naguère la personnalité d’un statisticien danois, Lomborg, qui tout en ne remettant pas totalement en cause le phénomène du réchauffement climatique, s’en prend aux mesures comme le protocole de Kyoto. Sur base de ses chiffres, il soutient que le monde ne va pas si mal. Si, si, il le dit. 
Je me serais bien procuré son bouquin, mais il semble épuisé. Ce qui n’est pas plus mal, j’aurais eu mal au cœur de lui payer des droits d’auteur. Je l’aurais bien emprunté, mais personne dans mes connaissances n’ose avouer l’avoir acheté. Cela semble plus sulfureux que les récits de Sade. Peut-être que j’aurais dû consulter un ultra-libéral, il paraît qu’ils en sont friands.

D’accord, je pars avec un a priori. Alors, essayons d’être objectifs et remémorons-nous les cours de critique historique, un des rares examens que j’ai brillamment réussis. Comme je ne pouvais pas me procurer le texte original, je me suis basé sur les commentaires qu’en ont faits ses partisans et ses détracteurs. De toute façon, je me voyais mal critiquer une par une chaque page de ce livre, ni vérifier la validité de chacune de ses statistiques. Alors, je me suis farci quelques heures de lecture entre l’ESSF et l’institut Molinari (qui n’est pas une école de cirque).  Vous n’aurez qu’à puiser dans toutes les adresses internet au bas de cette chronique pour vous vous faire une religion. La mienne est faite… Comme disait l’un des articles, je ne sais pas pour qui roule Lomborg, en tous les cas et avant tout, pour lui. Il s’est fait une notoriété et est devenu le gourou en matière environnementale des fondations ultralibérales et de ceux qui ne veulent rien changer.
L’utilisation de chiffres est la manière idéale pour faire tourner en bourrique un interlocuteur, un lecteur, un auditeur. « Wie ben ik » pour dire que ces statistiques sont fausses. Ai-je à ma disposition une équipe d’étudiants qui fouille et dont j’utilise les résultats. Soyons de bon « conte », comme je le disais dans la première partie, les allées du savoir sont parsemées d’embuches. Ouvrons le couteau suisse de nos idées et démontons…

 
La forêt augmente…

Notre statisticien nous dit que tout s’améliore. Il est faux de croire que la déforestation progresse… brandissant des chiffres attestant la chose. En 2000, les normes établissaient qu’une forêt était, par définition, une zone couverte d’arbres dans une proportion de 10%. En 1990, cette valeur se situait à 20%. «Cela explique que la Russie et l’Australie ont réussi à quadrupler leur espace forestier dans la dernière décennie, et ce, sans planter aucun arbre! Il s’agit d’un simple changement de normes» rapporte critique le professeur canadien Schindler. Les chiffres ne permettent pas non plus de considérer la qualité du peuplement ou les destructions qui peuvent être à leur base, comme la destruction de la forêt primaire pour des peuplements d’hévéas.

Les pluies acides ne sont pas un fléau…

Les pluies acides, continue-t-il, ne sont pas le fléau que l’on prétend, se basant sur des études américaines, qui ne tiennent pas compte du fait que les vents entraînent les nuages vers le Canada , là où sont réellement constatés les dégâts. Notre statisticien dit que la qualité de l’air dans nos pays s’améliore, ce qui peut être assez logique quand les industries les plus polluantes se sont délocalisées ou ont fait un réel effort d’assainissement. (Voyez les arguments du ministre Marcourt pour conserver le four n°6 d’Arcelor). Pourtant, de récentes études prétendent que la Belgique est un repaire de particules fines hautement cancérigènes.

Les pesticides sont inoffensifs…

Il nous dit que les pesticides nous sauveront du cancer en faisant un habile raccourci entre récoltes « abondantes » et bonne alimentation, éludant l’impact de ces substances sur tous les organismes, donnant de la farine au moulin de ceux qui prétendent que la suppression du DDT était une grave erreur. Bien entendu, ignorant les progrès de l’agriculture biologique, il lui préfère peut-être la culture des O.G.M. qui comme chacun doit le savoir sont inoffensifs et sauveront le genre humain.

L’argent nous sauvera tous…

Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes… et s’il y a réchauffement, un protocole n’y changera rien. Dormez tranquille, les statistiques vous le démontrent. L’argent, la mondialisation nous sauveront de tout et de la montée des eaux. Il y aura de la place chez Monsieur Noé pour tout le monde. Hé, Monsieur le sceptique, l’argent ne nous sauvera pas. Il y a au moins un Chinois qui le dit : « Dans Der Spiegel du 7 avril 2005, Pan Yue, le ministre de l’environnement en Chine avoue que « le miracle économique va bientôt prendre fin car l’environnement ne peut pas suivre. Un tiers de notre territoire reçoit des pluies acides, la moitié de l’eau de nos sept grandes rivières est maintenant inutilisable, alors qu’un quart de nos citoyens n’ont pas accès à l’eau potable (…) La Chine va avoir dans les années à venir plus de 150 millions d’émigrés écologiques (…) Nous avons fait l’erreur de croire que la croissance économique et les ressources financières qu’elle apporte allaient nous permettre de répondre aux crises environnementales et à l’augmentation de la population » (…). 

Le consensus des économistes libéraux…

Et pourtant, vous y croyez monsieur le sceptique. Vous avez lancé le « Consensus de Copenhague » pour prioriser les grands défis de notre temps. « Après cinq jours de délibérations, le Copenhague Consensus publiait une liste de 17 programmes, allant du "L'excellent"(very good) au "mauvais" (bad). Aucun grand dessein écologique n'a été retenu dans le cinq premiers projets sélectionnés, qui sont : 1.    le contrôle de l'épidémie du Sida- 2. enrayer la malnutrition - 3. la libéralisation des contrôles douaniers - 4. la lutte contre la malaria - 5.le développement de nouvelles technologies agricoles. La mise en œuvre du protocole de Kyoto vient en 16e position du Copenhague Consensus, la taxe des pollueurs et émetteurs de carbone en 17e position. » Un consensus entre d’éminents professeurs d’économie plutôt libéraux ne pouvait que mettre en avant la technologie et la diminution des contrôles. Dernièrement, un professeur d’économie de l’Université de Gand s’est lancé dans une  croisade similaire: tordre le cou aux travaux du GIEC en jouant sur les chiffres et les données et en prônant la rédemption par la technologie. Certes, des avancées techniques pourront apporter des solutions à des problèmes spécifiques, mais nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion et d’une remise en question de notre manière de fonctionner. 

La doctrine du réchauffement…

Je ne suis guère « allègre » quand je vous lis, monsieur le sceptique, vous et vos amis les contempteurs de la protection de l’environnement. Vos dénigrements à l’envi des politiques écologiques, jouant sur la moindre erreur pour nier l’essentiel, me fatiguent. « Une verité qui dérange » est devenu par la grâce d’un jugement une œuvre d’endoctrinement. « La Haute cour de Londres a conclu (...) que le film d'Al Gore, Une vérité qui dérange, sur les effets du réchauffement climatique, pouvait être présenté dans les écoles britanniques, mais accompagné d'une notice explicative destinée à éviter l'endoctrinement des élèves. ». A l’origine de la plainte, Stewart Dimmock serait employé dans une école dans le Kent et membre d’un parti ultralibéral, « The New Party ». Un juge de haute cour est devenu l’arbitre des vérités scientifiques. Au moins, Claude Allègre évoqué « subtilement » ci-dessus a le mérite d’un passé scientifique quand il préface votre livre, même si sa défense de vos thèses tient de l’arnaque. Selon lui, contester l’utilité ou la validité de certaines solutions techniques ferait de moi un obscurantiste. « C'est le progrès des sciences et de l'information qui suscite un légitime souci de l'avenir ainsi qu'une plus grande sensibilité aux inégalités mondiales aussi bien qu'aux menaces écologiques globales. » lisais-je dans un des articles référencés ci-dessous. « La puissance démesurée de la technique et de la science nous expose à des destructions potentielles d'un tout autre niveau que les accidents industriels du siècle dernier. »

Le sinistre lobby environnementaliste…

Parce que pour vous et vos semblables, le combat est politique et est affaire de pouvoir ou pouvoir des affaires, il faut d’office que la prise de conscience écologiste, toute récente d’ailleurs et finalement si peu profonde, soit le résultat d’un lobbying puissant des écolos, des bobonnes à chat chat cryptogauchistes, des environnementalistes revanchards à barbe ou sans barbe. J’en conviens, Greenpeace et le WWF gèrent d’importants budgets, mais sont-ils en commune mesure avec ceux des lobbies pétroliers, chimiques, cigarettiers ? Que vous soyez incapables d’admettre la haute probabilité des thèses du GIEC qui n’est quand même un rassemblement de niquedouilles me ferait sourire, si l’enjeu n’était pas aussi important. Mais peut-être que le nier vous permet d’esquiver la confrontation de vos convictions avec la réalité. Vous préférez une bataille de (malheureusement pas si) arrière-garde que ça en essayant de convaincre nos contemporains qu’il n’y a point de salut dans le changement ou que l’argent est la réponse à tout. Personnellement, je préfère que l’on se prépare calmement, mais fermement à ces changements. Nous avons encore le temps de troquer ces cantiques dans nos têtes pour des chansons à vivre.

« D'ailleurs, on voyage beaucoup moins, la vie locale est plus intense et on festoie davantage – avec des aliments issus de l'agriculture biologique. » lisais-je dans un article du Monde traitant de l’austérité joyeuse et de l’utopie démocratique prêtées aux écologistes. Est-ce à ce point un mauvais programme, connaître ses voisins plutôt que d’aller ignorer les habitants de la Turquie, de la République Dominicaine ou des Seychelles ?

Croyez-moi, monsieur le sceptique, vous n’en avez pas fini avec moi et mes semblables.  Surtout quand je lis les conclusions du GIEC : « Le changement climatique anthropique et ses conséquences pourraient être soudains ou irréversibles».

Et puisque vous vous moquez des ours blancs, allez donc voir le film « Un jour sur terre ». Vous quitterez peut-être votre monde de chiffres pour revenir sur terre.

Denis MARION
 

Pour ceux qui en ont le courage, une liste non exhaustive des pages que j’ai lues pour préparer cette chronique :