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Aéroport de Charleroi, à qui profite le crime ?

• Mercredi 06/02/2008 • Version imprimable

Un article de M Gilkinet du Grappe

Le classe politique wallonne a choisi un nouveau terrain pour chanter ses mérites : le « Low coast ». Nous, nous avons envie de hurler.

Réchauffement climatique, urgence écologique, engagements sur le pacte écologique wallon, qu’ils étaient beaux les propos de nos politiciens aux dernières élections. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pas grand-chose. Il suffit de les voir se précipiter à l’inauguration du nouveau terminal aéroportuaire carolo sous les feux de la presse enthousiaste pour s’en rendre compte. Nos chers politiciens font comme si rien ne devait changer. Incorrigibles, ils continuent à nous vendre le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Ils investissent l’argent wallon, et beaucoup, pour faire tourner des entreprises totalement énergivores et absolument désastreuses au plan environnemental, social et culturel. C’est que le « Low coast », voyez-vous, tout le monde en veut. Alors vous comprenez, il ne faut pas laisser la manne aux autres. Les petits wallons doivent aussi en profiter. Il faut même créer des grands parkings et une brettelle d’autoroute pour que nos amis Flamands, Français, Hollandais, Allemands, Luxembourgeois ... en profitent également. Nous ne sommes pas égoïstes et puis chacun veut et doit pouvoir voyager rapidement et à bon prix dans le monde entier. Il serait antisocial de ne pas le permettre.

Il n’est pas question de s’interroger.

Que le réchauffement climatique s’accélère ne semble pas troubler outre mesure. Ce sont les Américains, les Indiens, les Chinois, les ..., bref les autres, les grands coupables. La petite Wallonie ne peut que se défendre pour assurer son PIB.

Que Ryanair s’enrichisse sur le dos des Wallons ? On ne peut pas l’éviter sinon on créerait un désert économique. Et puis en vendant une partie des actions wallonnes aux chinois par exemple, on va créer de la concurrence et la concurrence c’est toujours bon pour le consommateur.

Que les emplois créés à Charleroi ne puissent être considérés que comme précaires notamment parce qu’ils sont facilement délocalisables ? Nous devons arrêter de crier au loup.

Que l’Europe parle d’intégrer enfin l’aviation dans les quotas CO2 ? Il suffira d’acheter un peu plus de droit à polluer à l’étranger.

Que les quotas CO2 devront être resserrés dans le protocole d’après Kyoto ? On ne peut pas tenir compte de tout et particulièrement de ce qui n’existe pas encore.(1)

Que le prix du pétrole s’envole et que l’Agence Internationale de l’Energie annonce ce marché au bord de la pénurie pour 2012 (2) ? Cela ne doit absolument pas nous inquiéter ni même nous inciter à nous poser la question de la pertinence de l’investissement. Tout cela n’est qu’exagération et puis même si cela était, s’en alarmer serait fameusement mettre en doute notre capacité à trouver des solutions. On fera face. Avec encore plus d’argent public pour maintenir les tarifs à leur niveau d’aujourd’hui et retenir les investisseurs que nous aurons fait venir ? Tiens ? Nos concitoyens wallons savent-ils que 15 euros de leurs impôts annuels sont déjà attribués aujourd’hui au low coast ? Passera-t-on demain à 20, 30 ou encore plus d’euros par contribuable pour maintenir l’aéroport ? Savent-ils également que chaque siège d’avion, occupé ou non, consomme autant d’énergie que si chaque voyageur faisait seul le trajet en automobile ? Savent-ils encore qu’en matière de transport, il n’existe pas d’alternative crédible au pétrole ?

Avec l’envolée des prix de l’énergie, déjà beaucoup de nos concitoyens ont du mal à se chauffer. Déjà beaucoup ont du mal à couvrir leurs besoins essentiels : alimentation, santé, éducation, ... . Déjà beaucoup raclent leurs derniers cents pour tenter d’isoler un peu leur maison ou même tout simplement pouvoir se rendre au boulot. Ne vient-on pas de constater que non seulement l’endettement augmente chez nous mais qu’il commence à être utilisé pour l’achat de produits de base ?

Cela ne fait rien. Les Wallons pourront toujours voyager en avion. La Région payera pour eux et pour les autres avec nos impôts. C’est certain, l’argent wallon n’a jamais été aussi bien investit !

A qui donc profite le crime ? Tout simplement ne serait-ce pas qu’il permette de prolonger cette idée bien ancrée aujourd’hui que tout est possible sur terre grâce au génie humain et à notre capacité à nous situer dans une économie globalisée ? Notre seule volonté suffit. Vive le progrès. Aujourd’hui encore, pour la droite comme pour la gauche, toutes les opportunités économiques doivent être saisies ; c’est sans limites que nous voulons penser l’économie.

Introduire la question des limites, pourtant de plus en plus lisible dans le monde actuel, serait introduire la question des choix. Et de cela, n’est-ce pas, il ne peut en être question car ce serait avouer que nous nous devons convertir non seulement notre économie, mais encore toute notre approche politique.

« A 100 dollars le baril, on change de civilisation » déclarait récemment Yves Cochet dans un article du journal Le Monde. Il semble qu’en Wallonie, aujourd’hui cette affirmation ne mérite ni un débat, ni même le changement de stratégie promotionnelle.

Il y a encore du chemin à parcourir.

Michèle Gilkinet, présidente du Grappe

note :

(1) Voir notamment à ce propos :

http://www.aspo.be/

(2) Relevé sur le site de la RTBF le 23 janvier 08

"D’ici 2020, la Belgique devra (donc) porter la part des énergies renouvelables dans sa consommation énergétique à 13%, contre 2,2% en 2005, selon le paquet législatif adopté par la Commission. Outre cet effort en renouvelables, la Belgique devra réduire les émissions de CO2 de ses secteurs non-industriels (transports, résidentiel, tertiaire, agriculture) de 15% par rapport à leurs niveaux de 2005 d’ici 2020, selon le projet de l’exécutif européen."

On le voit nos investissements aéroportuaires vont dans le bon sens !