Je dors à poil, été comme hiver. D’une manière générale, les vêtements m’oppressent, je me sens comme dans un carcan. C’est la raison pour laquelle je ne porte que des chemises, trop grandes de quelques tailles et avec toujours deux-trois boutons ouverts.
Oui, j’ai déjà pratiqué le naturisme. Mais pas dans un centre de vacances ou un camping spécialisé ; le côté ghetto me dérange. Le pied, ce sont les vastes plages réservées que l’on trouve sur le littoral français, des kilomètres où chacun peut profiter du soleil, du vent et de l’eau sans être le nez sur les fesses de l’autre !
Comme pour tous les gosses – surtout de ma génération où le tabac n’était pas encore classé poison mortel, la cigarette a fait partie d’un processus d’affirmation de soi... un brin ridicule, j’avoue. La première taf remonte à mes neuf-dix ans. C’était une “Sprint”, que j’avais piquée à mon père. J’ai continué à “en griller une” régulièrement mais sans jamais devenir accroc. Et j’ai arrêté lorsque j’ai débarqué à l’université. Tout le monde y fumait et comme j’ai un caractère qui ne s’accommode pas des pratiques grégaires...
Lorsque je ne suis pas au top, cela peut déboucher sur une crise de boulimie aiguë. Il m’arrive ainsi d’ingérer trois fricandelles avec deux grandes frites mayonnaises et une bouteille de vin blanc pour faire passer le tout...
Entre vin et bière, il n’y a pas photo : vin ! Bordeaux pour le rouge ; chardonnay pour le blanc. Mais je ne sais pas vraiment apprécier et consommer avec modération alors j’applique souvent le principe de l’alcoolique selon lequel il est plus facile de refuser le premier verre que les suivants.
Vingt-deux ans de vie commune, c’est un bail. Pourtant, entre nous, c’est comme au premier jour : toujours aussi difficile !
J’échangerais sans hésiter une nuit avec Monica Bellucci, Sophie Marceau, Eva Mendès, Emmanuelle Beart, Penelope Cruz ou Scarlett Johanson contre une heure en tête-à-tête avec Jodie Foster.
Je suis plus douche que bain, dessert que fromages, rugby que football, Stones que Beatles ; je ne se supporte pas de rester inactif, devrais perdre 20 kilos pour retrouver mon poids de forme, ne crois plus au Père Noël et rêve de faire un jour tous les grands cols du Tour de France à vélo.
Voilà : vous en savez un peu plus sur moi... Cela ne présente pas le moindre intérêt, vous vous en foutez dès lors royalement et vous avez on ne peut plus raison !
Pourtant, à en croire le contenu d’une rubrique électorale lancée depuis quelques jours par le quotidien belge préféré des amateurs de sports, de faits divers et de populisme, certains politiques semblent considérer que ce type d’informations personnelles voire intimes contribue utilement au débat démocratique sinon à l’édification des foules. Comment comprendre sinon qu’ils acceptent avec tant de complaisance de se donner en pâture au voyeurisme ordinaire à travers l’interview décalée évoquée ci-dessus... ?
On m’objectera la volonté d’aller vers l’électeur, de montrer qu’ils sont des hommes (et des femmes) comme les autres. Mais est-ce vraiment ce qu’on attend d’eux ? En quoi ces révélations confinant parfois au pathétique contribuent-elles à leur crédibilité, à l’affirmation de leurs compétences, à la défense de leurs valeurs et programme ?
Ce type d’article n’est pas nouveau mais c’est, à ma connaissance, la première fois qu’il fait partie intégrante de la couverture d’une campagne électrorale. Et il m’apparaît difficile d’y voir un signe de la vigueur et de la qualité de notre vie politique... Les “politiciens” (à prononcer avec une moue mêlant dégoût et mépris) souffrent déjà d’une image négative voire déplorable. Loin de contribuer à l’améliorer, ces sorties entre “people” et café du commerce contribuent de facto à miner le peu de respect qui entoure encore une fonction pourtant intrinsèquement noble. C’est la raison pour laquelle on ne peut se contenter de les ignorer en les considérant comme insignifiantes.
Alors que l’actualité décline la crise sous toutes ses formes (institutionnelle, financière, économique, monétaire, sociale...), ceux qui sont censés être en état d’urgence pour sortir le pays du bourbier dans lequel il s’enlise trouvent le temps – et considèrent opportun... – de nous parler de fricandelle, djellabah, système pileux et transports amoureux. Il n’y a pas à dire, ça fait sérieux ! Mais il est vrai que les succès électoraux de papa Daerden et Don Berlusconi, respectivement chantres de la bonne humeur éthilique et de la séduction botoxée, ont démontré par l’exemple que le sérieux n’était pas le meilleur moyen de racoler l’électeur... Car c’est bien de cela qu’il s’agit : se montrer sous un autre jour, éminemment sympathique, pour tenter de capter quelques suffrages sourds aux discours programmatiques mais pas insensibles à la dimension humaine. C’est une autre façon de faire de la politique ; reste à savoir si la fin justifie ces moyens...
Je note en ce qui me concerne qu’on ne verra jamais un haut responsable économique sacrifier à ce genre de facétie. « Alors, vicomte Davignon, plutôt slip kangourou, boxer ou caleçon ? » - « Dites-moi, Albert Frère, vous êtes aussi bon au lit qu’en affaires ? » Ca aurait de la gueule, non ? De même, ces frasques journalistiques sont exclusivement réservées à des hommes (jusqu’à présent du moins ; sans doute y aura-t-il bien l’une ou l’autre candidate pour faire mentir la règle avant le 13 juin). Ces dames n’ont-elles pas été sollicitées ou sont-elles simplement plus dignes ? Dommage, je rêve de ces questions pleines de tact : « Sarah Turine, c’est quoi votre préférence en lingerie : string ou culotte Petit Bateau ? » – « Laurette Onckelinkx, dites-nous, Maître Marc, au lit, c’est aussi un as du barreau ? » - « Sans langue de bois, Joëlle Milquet, cette noirceur capillaire, c’est un don de la nature ou le résultat d’une bonne teinture ? » – « Sabine Laruelle, vous pouvez nous raconter votre dernière cuite ? »
Et pendant ce temps, on attend vainement de voir l’enjeu environnemental et toutes ses dimensions sociétales surgir dans la campagne... Comme il paraît loin, le temps où nos ténors entonnaient en choeur le crédo de l’urgence écologique et se revendiquaient unanimement des préceptes d’Al Gore et Nicolas Hulot. C’était en 2007. Depuis, l’urgence n’a cessé de croître... mais est passée de mode. Et ça, en période électorale, c’est un handicap fatal.