Dernièrement, à la fin d’un débat mené dans une Agora, nous avons été interpellés sur la confusion possible entre identification et identité. Nous avions soutenu qu’il n’était pas inutile de pouvoir s’identifier à une cité pour faciliter son investissement personnel dans la politique de ladite cité.
S’identifier ! Le terme avait alors soulevé quelque inquiétude. S’il y a confusion, il s’agit en partie d’un problème d’acception des mots. Nous entendons par identification, l’idée que nous soyons d’un lieu qui nous donne l’envie de nous impliquer, par affinité ou enracinement. L’identification favorise l’action d’autant plus facilement que cette dernière porte sur des éléments concrets qui nous touchent directement ou dont les résultats sont bien visibles. L’identification combat à notre sens l’indifférence diffuse que beaucoup portent à leur lieu de vie ou du moins à leur lieu de sommeil : éloignement du travail et urbanisme de repli y contribuent. . Il y a bien entendu des personnes pour lesquelles l’identification à un lieu n’est pas nécessaire à leur engagement, mais c’est alors bien souvent que l’âme militante porte son regard sur l’horizon facile à repeindre en idées au lieu d’empoigner le pinceau à portée de main. Combien de temps perdu en débats généralistes sur l’avenir du monde alors qu’il faudrait s’ateller à comprendre la complexité parfois ingrate de l’agir local ?
L’identité, dans son acception dévoyée, au sens trivial de « moi, d’abord, les étrangers ensuite» n’a rien à voir avec cette démarche. Même si nous ne pouvons exclure que certains puissent être tentés, dans leur investissement pour la cité, de penser uniquement à elle et à ses ressortissants.
De là découlent pour quelques-uns une sorte d’antagonisme entre le local et le global : penser local induirait directement une forme d’égoïsme. N’y a-t-il pas là un rapport abusif, voire contre-productif ? Sortir à tout bout de champs le slogan « penser global, agir local » est à notre sens inutile quand la démarche au niveau local s’inscrit dans un patron positif. A tout le moins est-il utile de veiller à ce que le penser en rond n’inhibe pas l’agir local.
Le réseau des « Villes en transition », qui a pour but de permettre une transition écologique et la création de territoires résilients, ne se fonde-t-il pas sur les dits territoires pour développer ses actions propres ? Pourquoi d’emblée se gargariser de théories déconnectées en se référant perpétuellement à un univers bien abstrait pour nos concitoyens ? Par contre, l’action elle, devrait être source d’interrogations pratiques qui, à certains moments, pourraient être utilement éclairées par un brin de théorie. Celle-ci ne tomberait pas du ciel mais serait induite par un besoin concret.
En effet, si nous voulons que chacun consente à ces changements et y participe, il faut démontrer l’intérêt de les faire et créer les conditions nécessaires. Nous estimons, et sans doute reviendrons-nous sur le sujet dans d’autres chroniques, qu’une large collaboration et une convivialité cultivée sont les socles sur lesquels se construiront les nouvelles pratiques.
Cela passe par une réanimation de l’idée de « politique » telle que définie par Murray Bookchin : « Avant la formation de l'État-nation, la politique avait un sens différent de celui d'aujourd'hui. Elle signifiait la gestion des affaires publiques par la population au niveau communautaire ; des affaires publiques qui ne sont qu'ensuite devenues le domaine exclusif des politiciens et des bureaucrates. La population gérait la chose publique dans des assemblées citoyennes directes, en face-à-face, et élisait des conseils qui exécutaient les décisions politiques formulées dans ces assemblées. Celles-ci contrôlaient de près le fonctionnement de ces conseils, en révoquant les délégués dont l'action était l'objet de la désapprobation publique.[1] » Avec l’idée que ce type de fonctionnement est parfaitement compatible avec la délégation de pouvoir proposée par le système démocratique actuel. Moyennant quelques ajustements.
Une perspective inspirante pour une politique plus proche des gens. Cafnice