Craignent-ils tant pour leur réélection pour que des députés français de la majorité s’opposent à une mesure gouvernementale[1] ? Une mesure pourtant simple : la suppression des panneaux avertisseurs de radar. Ils sont montés aux créneaux pour s’attaquer au « tout répressif » qui touche le malheureux automobiliste français. Il faut que ce citoyen exemplaire puisse savoir quand freiner parce qu’il roule trop vite et réaccélérer quand il n’y a plus de danger. Cette majorité politique prompte à s’indigner des profiteurs des revenus d’insertion, de la (mauvaise) couleur ou de la (mauvaise) religion a une faiblesse pour le machisme automobile. Peut-être ont-ils comme moi entendu qu’avec le pouvoir d’achat, la voiture était « la » préoccupation des Franchouillards ? Mais est-ce différent en Belgique ?
Pourtant, il suffirait à l’automobiliste de respecter la loi, en l’occurrence une limitation, pour ne pas subir les foudres de Thémis. Sans doute trop demander. Tout dans cette bulle roulante pousse à l’individualité et à l’irrespect. Et ce n’est pas parce qu’il redevient parfois piéton que le chauffeur a conscience des autres.
Quand vous signalez à quelqu’un qui se parque sur le trottoir qu’il oblige les gens à descendre sur une chaussée fréquentée, la seule réponse est « ne faites-vous pas la même chose ». Quand presque écrasé par la voiture d’une dame très pressée, avec un GSM en main, la seule excuse que vous pouvez lire sur son visage excédé est « dégage connard ». Quand une jeune femme fait remarquer qu’un landau ne pourrait pas passer avec la place laissée par son 4x4, la propriétaire répond que visiblement, elle n’est pas mère de famille et que donc, cela ne la concerne pas.
La voiture exprime le pouvoir, la vitesse, l’évasion, la puissance, le plaisir, le goût pour ceux qui en sont encore au slogan « ma voiture, ma liberté ». Je le répète souvent, placer sa liberté dans des cylindres ne pousse pas à ouvrir son esprit. D’autant plus que les enjeux climatiques et énergétiques devraient nous pousser à nous éloigner de ces représentations à quatre roues. Mais la voiture est devenue à ce point indispensable, et pas seulement pour se déplacer, qu’elle est une véritable drogue dont il faudrait se sevrer.
Parce qu’en définitive, s’il faut se déplacer d’un point à un autre, il est possible de le faire autrement. Et puis, tous nos déplacements sont-ils nécessaires ? C’est là, la pierre d’achoppement, le clou dans le pneu, le caillou dans la chaussure, cela nécessiterait des changements d’habitude. Et changer, personne n’en a envie. Prestige et vitesse. Mais dieu sait que la voiture est lente… « La vitesse automobile peut être calculée tout autrement, en prenant en compte l’ensemble du temps humain nécessaire pour faire rouler une voiture, et en particulier le temps de travail nécessaire pour payer son automobile, les frais, les taxes, l’essence, l’assurance, etc. Ivan Illich a réalisé ce calcul et montre ainsi qu’un Américain moyen consacrait, au début des années 70, plus de mille six cents heures par an à sa voiture, que ce soit en roulant ou en travaillant pour la payer. S’il exerce une activité professionnelle, l’Américain moyen dépense ainsi mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres; cela représente une vitesse moyenne d’environ 6 km/h, soit à peine plus que la vitesse moyenne d’un piéton (4 à 5 km/h).[2] »
Holà, Paula, pour mon salut, touchez à ma voiture.