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Chroniques de campagne : l’apolitisme est-il possible ?

• Lundi 09/07/2018 • Version imprimable

Dernièrement, nous lisions dans la presse qu’une liste se présentant aux élections revendiquait son caractère « apolitique ».

Cela nous a fortement interpellé. L'apolitisme est pourtant un « refus de tout engagement politique à partir de motivations ou de justifications diverses ». Comment des personnes qui recherchent les suffrages, peuvent-elles se déclarer comme telles ? Comment se tenir en dehors de la « lutte » politique en s’inscrivant dans un système électoral ?

Mais pourquoi user d’un tel vocable ?

Si nous considérons qu’ils ont pris un mot pour un autre, entendaient-ils évoquer l’indépendance ? Cette « autonomie » par rapport à une structure « partisane » est souvent revendiquée. Sans doute, pour éviter de devoir assumer les positions d’une maison-mère, mais aussi, pour rassurer les postulants que cet amalgame pourrait faire fuir.
Passons sur le fait que ces derniers (à tout le moins une partie) correspondent à un certain profil sociologique, voire que certains appartiennent à l’une ou l’autre structures partisanes, mais que ces relations sont tues. Cette indépendance voulue, réelle ou feinte correspond à un air du temps : le monde des partis serait nocif pour la vie publique. Pour autant, est-ce que cette distance réduit le risque de réflexe partisan ? Nous en doutons.

Si nous considérons que l’adjectif est bien « apolitique », nous sommes dans l’oxymore avéré. Si nous nous référons à l’étymologie : composé du préfixe privatif grec a-, pas, sans, et du grec politikos, de la cité. Cela reviendrait à « sortir du cadre général dans lequel une société ou une population est gérée par son (ses) dirigeant(s) » et de facto, mettre en sourdine ses envies de mener la barque fût-elle municipale. Glisserions-nous là vers un anarchisme larvé ? Cela nous étonnerait. Mais sans doute que cet adjectif, dans une acception plus populaire et erronée, peut séduire. Mais des dirigeants qui seraient apolitiques, ne seraient-ce pas que des technocrates ? Ce qui n’aurait pas l’heur de plaire à l’électeur.

Allons, ne nous leurrons pas. L’apolitisme est rare. Tout est politique. Tout acte est politique. Même un ticket de caisse est un bulletin de vote. Même l’abstention est politique. Il ne saurait y avoir de décision, sans qu’il y ait une orientation politique, explicite ou implicite. Même la neutralité, dans ce contexte, est sujette à caution. Et revendiquer un apolitisme fort pourrait tout simplement signifier un mépris de la politique, ce qui est peut-être électoralement porteur, mais démocratiquement néfaste. Et ce serait encore de la politique.

Rangeons donc cet adjectif au placard pour ne pas entendre Simone de Beauvoir nous rappeler que : « Les types qui se déclarent apolitiques, ce sont des réactionnaires, fatalement. »

Le collectif « ».


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