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« Aimer ses bourreaux »

• Mercredi 19/12/2012 • Version imprimable

Pourquoi le collectif «  » ne pourrait-il pas participer à la polémique Depardieu ? Ou plus exactement en tirer quelques enseignements ou réflexion.

Dans La Libre, nous pouvions lire : « Vous avez été plus de 11.500 à répondre à notre sondage web où près de 90% des votants soutiennent l'acteur, estimant que sa carrière et son choix méritent le respect.[1] » Faudrait peut-être arrêter d’encenser le people. Le talent d’un comédien est avant tout subjectif. Une question de goût en somme. Est-ce à dire que Depardieu n’a pas de talent ? Peut-être. Mais tellement plus que d’autres, nous ne savons pas. Et d’ailleurs, on s’en fout. Il doit bien y avoir quelques navets dans sa filmographie. Et puis, en quoi une carrière mérite-t-elle en soi le respect ? Une carrière sans l’humain qui est derrière n’est rien, surtout chez les comédiens qui ont l’habitude de jouer la comédie. Nous pouvons aimer le Clint Eastwood de « The Bridges of Madison County » ou de « Bird », mais ne pas l’apprécier dans son soutien républicain. Depardieu avec Dewaere pouvait être regardé, mais en quoi le Depardieu, amateur de dictateurs mérite-t-il le « respect »?

Monsieur Depardieu a décidé de venir s’installer en Belgique, clairement pour échapper légalement au fisc. En quoi ce choix est-il respectable ? A respecter pour une question de liberté, peut-être mais digne de respect ? Là nous en doutons. La prochaine étape sera de demander la nationalité belge pour se tirer et terrer à Monaco. Comme l’ont fait avant lui d’autres « Belges » comme Justine Hennin ou Philippe Gilbert.

Un artiste, un sportif peut gagner énormément d’argent. Mais où est la limite ? Questionner cet amassement de pognon ferait-il de nous des envieux, des jaloux ? En quoi son talent mérite-t-il autant d’argent? Parce que des gens vont les voir, sont séduits par leur prestation… Ne serait-il qu’une marchandise bancable? Mais qu’offrent-ils à la société d’autres que les jeux ?

Dans la balance, un chercheur par exemple, ne pèse rien en comparaison à certains footballeur, tenniswoman, chanteur, acteur, cycliste. C’est notre choix.

Nous célébrons la richesse et ceux qui la détiennent. Nous les considérons comme démiurges incontournables. Soit. Nous leur devrions tout, notre emploi et notre bien-être. Peut-être. C’est à voir. D’abord, parce que tous les riches ne sont pas des créateurs d’emploi… Ensuite, que même s’ils créent des emplois, ce n’est pour autant qu’ils seront décents. Enfin, et surtout, les riches ne le sont que parce qu’il y a des plus pauvres qu’eux qu’ils peuvent employer (voire exploiter), des plus pauvres qu’eux qui consomment leurs produits, leurs navets cinématographiques, leurs matchs exhibitionnistes ou la vue de leurs cuisses dopées sur les routes du Tour de France. Les riches ont plus besoin des pauvres qu’ils ne l’admettent et surtout que nous le pensons. Le fort peu sympathique Henry Ford l’avait bien compris en soutenant le « capitalisme du bien-être ».

Dans l’affaire Depardieu, mais elle pourrait être celle de bien d’autres, le thème principal reste le paiement de l’impôt. Il est peut-être parfois rapide de lancer « faites payer les riches », mais ceux-ci sont souvent encore plus rapides pour crier à la rage con-fisc-atoire. L’impôt, particulièrement dans le domaine culturel, est plus souvent que l’on ne le croit un moteur économique. Sans l’impôt, les banques n’auraient pas été aidées, le cinéma ou le théâtre (ici français) ne bénéficierait pas de subvention comme le rappelle le comédien Philippe Torreton dans une tribune publiée par "Libération"[2], charge virulente contre le candidat à l'exil fiscal : « On va se démerder sans toi pour faire de ce pays un territoire où l'on peut encore, malgré la crise, (...) faire des films et monter des spectacles grâce à des subventions obtenues en prélevant l'impôt (…) ». Comme le relevait également un internaute : « Sans "seconds rôles" et autres "intermittents du spectacle" pour lui donner la réplique tout au long de sa carrière, Depardieu -et le cinéma Français- n'existerait pas... on ne fait pas des films qu'avec des vedettes payées avec des cachets astronomiques ! le "Star System" n'existe que grâce aux anonymes qui le font tourner dans les coulisses. Depardieu devrait peut-être leur être reconnaissants ». Et sans la solidarité, ces intermittents ne survivraient pas. Et la solidarité est aussi liée à l’impôt.

Alors, pour conclure, nous nous faisons un plaisir de citer Alex Etcitty, indien navajo[3] : « On m'a appris que c'était une chose juste de posséder ce que l'on a. Mais si on commence à avoir trop, cela montre que l'on ne se préoccupe pas des siens comme on le devrait. Si l'on devient riche, c'est que l'on a pris des choses qui appartiennent à d'autres. Prononcer les mots "Navajo riche" revient à dire "eau sèche".»

Vive la polémique…

Le collectif «  ».

Bonus sur le lien entre richesse et dégradation de la planète :

 On ne peut comprendre la concomitance des crises écologique et sociale si on ne les analyse pas comme les deux facettes d’un même désastre. Celui-ci découle d’un système piloté par une couche dominante qui n’a plus aujourd’hui d’autre ressort que l’avidité, d’autre idéal que le conservatisme, d’autre rêve que la technologie[4]


[3] Cité dans les commentaires publiés avec les romans de Tony Hillermann

[4] Hervé Kempf (Comment les riches détruisent la planète)


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