« Du passé faisons table rase […] ! Le monde va changer de base… »[i]
Les candidats se présentent à notre suffrage. A qui accorder notre voix ? Exercice ardu si vous n’êtes ni partisan, ni fataliste, ni informé. Un ami écrivain a dressé naguère une intéressante check-list des élections. Nous n’allons pas en écrire une resucée : majorité absolue et échevin entrepreneur ont déjà été bannis. Tentons toutefois de la compléter..
L’un a accordé en son temps des dérogations dont il fait profit maintenant. L’autre fut autoritaire et craint. Le suivant s’est fourvoyé une fois. Le dernier était mal entouré.
De certaines malversations, on se fait difficilement pardonner. De certains défauts, on peut se corriger. Une équipe change et peut insuffler un vent nouveau… qui ne soufflera peut-être guère loin de la bouche de l’orateur.
Des projets avaient été rondement menés. D’autres ont capoté. L’on vilipende aisément le capitaine, alors même que c’est le moussaillon a ouvert la voie d’eau.
L’un vous a fait plaisir, mais c’est pour mieux vous tenir. L’autre vous a refusé une faveur, mais c’est une honnête personne.
Alors, pas de table rase du passé mais un regard aiguisé: mieux on comprend hommes et agissements, mieux on conduit le changement.
Les débats télévisuels lors des élections sont riches d’enseignements. Ne dit-on pas que le non verbal parle autant que le verbal ? Il y a le candidat mal à l’aise louchant sur ses notes, celui qui veut en imposer malgré sa gorge enrouée, celui dont le regard fuit sans doute la confrontation, celui chez qui maitrise cache roublardise.
Mais que disent-ils ? Il y a les destructeurs et les constructeurs, les passéistes, les revanchards, les consensuels, ceux qui font flèche de tout bois. Il y a ceux qui voient au loin pour ne pas regarder dans leur assiette, ceux qui ne sont pas dans leur assiette et qui restent vagues, ceux qui ont le nez sur le guidon. Rares sont ceux qui prônent ouverture et intelligence collective.
Bien sûr, pour se faire une idée de l’avenir, mieux vaut se plonger dans les programmes des partis que dans son marc de café. Reste le plus ardu : en dégager les lignes de force, en déduire la praticabilité, en soustraire les promesses populistes. Les comparer avec les autres aussi et examiner leur compatibilité, parce qu’à moins d’une majorité absolue, il faudra composer.
A moindre d’être un conservateur fossilisé par la rancœur, tout le monde veut peu ou prou changer de base. Mais pourquoi faire table rase du passé dans le contexte de ces élections ? Le passé éclaire souvent la personnalité de certains candidats: tenons-en compte.
Considérons les leaders, leur capacité à collaborer, à évoluer, à s’ouvrir, à déléguer. Comment fonctionnent leurs équipes : camarilla floue, brigade aux ordres, figurants sur la photo de famille, acteurs d’une délégation intelligente ?
Reste à remettre le bulletin…de vote : quelques points en moins pour le leader agressif, en plus pour le dynamisme d’une équipe, en moins pour l’affairiste, en plus pour la vision constructive…
Pourtant, voter pour une bonne tête ou une plaisanterie reste un non-sens. Si les communes ont une atmosphère qui leur est propre, c’est aussi, au moins en partie, parce que les équipes qui les dirigent pensent et agissent différemment. Alors, tant que nous en avons encore l’occasion, pourquoi ne pas faire l’effort de choisir avec discernement une liste ou un candidat qui correspond le mieux à notre vision du vivre ensemble communal ? C’est loin de la table rase, mais c’est déjà une bonne base.
[i] Eugène POTTIER (1816-1887), paroles, et Pierre DEGEYTER (1848-1932), musique, L’Internationale, chanson
Mots-clés : Chroniques de campagne 2018